L'État britannique autoritaire – Le cas de la résistance à la dilution à Glasgow en 1915-1916

  • The Authoritarian British State: The Case of Resistance during the Dilution in Glasgow in 1915-1916

Résumés

Cet article présente le cas de la résistance au processus de dilution que le gouvernement britannique met en place au cours des années 1915 et 1916 dans les usines de Glasgow afin d'organiser au mieux l'appareil de production au service de l'industrie de guerre. Le gouvernement a recours à un arsenal législatif pour parvenir à ses fins, n'hésitant pas à emprisonner les responsables syndicaux ou à leur imposer des mesures d'éloignement et à censurer la presse. Ce court épisode de l'histoire du mouvement ouvrier écossais oppose les ouvriers à l'État, à leurs employeurs et aux représentants officiels de leurs syndicats. Bien qu'il se solde par un échec, cet épisode de résistance est une étape importante de la prise de conscience par la classe ouvrière de sa capacité d'action politique.

This paper presents the case of the resistance to dilution in workshops in and around Glasgow in 1915 and 1916. Dilution was devised by the British government as a way of reorganising the means of production in order to better suit the requirements of the war industry. The government resorted to several Acts of Parliament to implement dilution, censor the press and jail and/ or deport local shop stewards who engaged in a fierce movement of resistance. This short episode of the working class movement in the West of Scotland opposed the shop stewards not only to the British government and their employers but also to their official union representatives. Although it proved to be a failure, the resistance against dilution was one of a series of industrial disputes which were instrumental in establishing the Scottish working class as a political force.

Plan

Texte

1. Introduction

Tout comme la région de Newcastle ou le triangle Leeds – Manchester – Birmingham, Glasgow tient un rôle éminemment important dans l’économie de guerre de la Grande-Bretagne puisque le gouvernement dédie la très forte concentration d’industries lourdes et les chantiers navals à la production de munitions et de matériels de guerre1. Glasgow devient le centre le plus important de production de munitions des îles britanniques. Dès le début de la Première Guerre mondiale, l'État britannique se retrouve dans la situation exceptionnelle et inédite de devoir faire face, d'un côté, à une très forte demande en matériels de guerre et, de l'autre, au départ massif des ouvriers vers le front. Pour faire face aux demandes des armées, les industries de la Clyde sont capables d'augmenter leur production d'un cinquième en mettant en place une organisation de l'appareil de production qui permet des gains de productivité substantiels (Finlay 2004 : 8). C'est toute une organisation du travail qui doit être repensée et modifiée pour pallier la perte de la moitié de la main d'œuvre masculine, partie au front, et pour assurer un tel résultat. C'est ce qui va être au cœur des revendications d'une partie des ouvriers de Clydeside pendant les deux premières années de la Première Guerre mondiale et faire de la région de Glasgow un lieu de fortes tensions industrielles.

L'industrie écossaise se distingue du reste de l'industrie britannique par la nature des relations entre patrons et ouvriers. Les ouvriers sont peu et mal organisés et la négociation collective ne peut se prévaloir d'une existence reconnue et autonome qui donne une légitimité à une aristocratie ouvrière garante d'une certaine stabilité sociale, comme cela est le cas dans d'autres régions industrielles d'Angleterre (Foster 1990 : 38). Melling (1990 : 9-10) ajoute que les luttes ouvrières pendant la Première Guerre mondiale sont à analyser dans un contexte de rupture de l'équilibre des forces entre patrons et ouvriers dans le domaine de la négociation salariale. Les ouvriers avaient jusqu'alors une certaine autonomie, acquise au fil du temps, dans leur capacité à négocier de façon presque individuelle leur salaire. En d'autres termes, des relations directes entre patrons et ouvriers, une autonomie locale quasiment au cas par cas dans la négociation salariale et une autonomie assez importante dans la pratique pour la constitution des équipes de travail (sur les chantiers navals gigantesques notamment) sont autant de raisons qui placent les ouvriers dans une position de force en temps de guerre et de plein emploi. Cette situation propre à l'industrie lourde du centre-ouest de l'Écosse est héritée des pratiques antérieures à la guerre (Glasgow Labour History Workshop 1996 : 18-38). Les capacités de production étant inférieures aux besoins de l’armée, les ouvriers disposent en outre d'un atout supplémentaire dans leur capacité à négocier.

Vues les circonstances, le gouvernement britannique doit rapidement prendre des mesures pour contrôler les relations entre patrons et ouvriers. Il veut imposer la dilution, c'est-à-dire procéder à la dé-qualification des tâches normalement exécutées par les ouvriers qualifiés en introduisant en remplacement une main d’œuvre masculine et féminine, non qualifiée et moins bien payée, dans les processus de fabrication. L'objectif est simple : il faut augmenter la productivité et la production de munitions pour faire face aux besoins du front. C'est ce qui va être la cause d'une série de conflits industriels importants entre le début de la guerre et le milieu de l'année 1916. La vallée de la Clyde est en effet en proie à une vive agitation, limitée dans le temps (de février 1915 à avril 1916) mais significative. Elle se développe sur plusieurs fronts. Toutefois, elle se cristallise sur l'évolution du rôle de l'État dans la régulation des relations entre les travailleurs et le capital et place au centre des débats la question du corporatisme des revendications. Les questions de l'autorité et de la discipline sont aussi au cœur des conflits. Elles concernent tout autant les employeurs que l'État et l'exécutif des syndicats.

La bataille contre la dilution est contemporaine d'un autre épisode de contestation ouvrière, les grèves des loyers2. Bien qu'il soit tout aussi remarquable, il ne sera pas développé dans cet article en raison de sa nature bien différente3. Notons néanmoins que cet épisode aura une profonde influence dans les politiques de logement d'après-guerre. Il marque aussi l'engagement soutenu des femmes dans le mouvement social et ouvrier et contribue, avec les nombreux autres conflits ouvriers qui se développent à cette période, à la montée en puissance de l'Independent Labour Party à Glasgow.

2. Les moyens de contrôle de la production par l'État

Le contrôle de l’État commence en fait dès que la guerre éclate. Dès le 8 août 1914, le gouvernement fait voter sans débat la loi sur la Défense du Royaume (Defence of the Realm Act, DORA) à la Chambre des Communes. La loi donne les pleins pouvoirs au gouvernement pour censurer la critique, emprisonner sans procès et obliger à la participation à l’effort de guerre. Elle permet aussi au gouvernement de contrôler les civils. DORA est amendé huit fois au cours de la guerre. Un premier amendement est voté le 28 août 1914 puis un second le 27 novembre 1914. Ces deux amendements successifs modifient substantiellement la loi qui devient alors Defence of the Realm Consolidation Act4. En mars 1915, les grèves et les blocages d’usines sont interdits. Plusieurs amendements votés en octobre 1915 tentent de réduire la consommation d’alcool, interdisant à quiconque d’acheter de l’alcool pour une autre personne qu’elle-même et restreignant les heures d’ouverture des pubs.

La production industrielle et tout ce qui s’y rapporte est contrôlée et administrée directement ou indirectement par l’État qui légifère pour parvenir à ses fins. De locale, la gestion des relations de travail devient nationale. Ainsi, plus de 90 administrateurs et cadres des grandes firmes métallurgiques et chimiques de la vallée de la Clyde sont prêtés par leur employeur d’origine pour officier pour le compte du Ministère des Munitions pendant toute la durée de la guerre (Civardi 1997 : 331). Il devient alors beaucoup plus difficile de savoir qui de l’État ou de l’employeur dirige réellement l’entreprise. Au niveau local, les mesures édictées par le Ministère des Munitions sont ressenties comme une alliance entre le patronat et l’État pour casser le statut des ouvriers qualifiés. C’est un sentiment qui est exacerbé par la nomination en janvier 1916 de William Weir, industriel réputé farouchement hostile aux syndicats, au poste de directeur des munitions pour l’Écosse.

En mai 1915, David Lloyd George devient Ministre des Munitions officieux en attendant la création officielle du Ministère des Munitions en juin 1915 par le Ministry of Munitions Act. La loi sur les munitions de guerre (Munitions of War Act) est votée en juillet 1915 pour assurer une production efficace et ininterrompue de munitions pour les forces armées britanniques. La loi donne davantage de pouvoirs aux employeurs et restreint l’autonomie des ouvriers qualifiés qui voient là un instrument légal dont l’objectif est de battre en brèche leurs droits acquis de haute lutte. Elle donne un statut légal à la dilution et permet au Ministère des Munitions de désigner des usines de munitions comme établissements contrôlés (controlled establishments) dans lesquels il peut imposer une réglementation sur l'encadrement et les ouvriers : régulation des profits et contrôle de la main d’œuvre par l’instauration d’un système de bons de sortie (leaving certificates ou certificates of discharge). La loi interdit à un ouvrier de quitter un emploi sans avoir obtenu l’autorisation préalable de son employeur. Elle autorise un employeur à ne pas délivrer de bon de sortie à un employé, ce qui l’empêche de trouver un emploi ailleurs. Refuser un emploi devient un délit, quelles que soit la nature et la rémunération de l’emploi en question, de même que refuser de faire des heures supplémentaires, qu’elles soient payées ou non. La loi prévoit aussi la création de tribunaux, les Tribunaux des Munitions (Munitions Tribunals), pour statuer sur les infractions diverses relevant de cette loi. Très vite les employeurs n’hésitent pas à y recourir, ce qui amène les ouvriers à penser qu’il s’agit surtout d’une loi élaborée entre les employeurs et l’État pour leur imposer des conditions de travail et salariales draconiennes. Au début de l’existence des Tribunaux des Munitions, les employeurs y formulent entre 70 et 80 recours par jour. La loi interdit aussi les grèves et prévoit la traduction en justice des responsables syndicaux. Faire grève devient un délit. Dans la pratique, il s’avèrera rapidement impossible de faire respecter tous les aspects de la loi (McLean 1983 : 28-30).

La dilution impose une révolution culturelle dans le monde masculin et très hiérarchisé des relations industrielles. Les ouvriers qualifiés jouissaient d'un statut privilégié dans la hiérarchie ouvrière. On devenait ouvrier qualifié au terme d'un parcours d'apprentissage soigneusement codifié, reconnu par les pairs, et qui était généralement transmis de père en fils. À une époque où le marché de l'emploi était très variable, les ouvriers qualifiés étaient très attachés à la conservation de leurs privilèges. Ils cultivaient un sentiment de supériorité vis-à-vis du reste de la classe ouvrière, et portaient avec fierté costume et chapeau melon le dimanche. Il n'est donc pas surprenant qu'ils voient la mise en place de la dilution d'un très mauvais œil. L'introduction de travailleurs et travailleuses semi-qualifié(e)s ou non qualifié(e)s pour réaliser des tâches jusque-là réservées à des ouvriers ayant dûment complété un long apprentissage de sept années est considérée comme inacceptable. Finlay (2004 : 15) rappelle que le recours à de jeunes Américaines, qui n'avaient pas suivi d'apprentissage, comme riveteuses sur les chantiers navals, confinait à la provocation dans cet environnement industriel très masculin, où les traditions de chaque corps de métier avaient été si jalousement et rigoureusement défendues.

Même si les ouvriers non qualifiés sont moins bien payés que leurs homologues qualifiés, et malgré les promesses du gouvernement qu'il s'agit là d'une situation temporaire commandée par l'urgence de la guerre, les ouvriers qualifiés redoutent que les nouvelles pratiques industrielles perdurent après-guerre.

3. Le soutien à l'effort de guerre

Cent mille ouvriers de toute l’Écosse se portent volontaires pour venir s’installer dans les secteurs des usines d’armements et participer à l’effort de guerre, constituant ainsi une armée de travailleurs volontaires. Parallèlement, le gouvernement compte sur les soldats de retour du front pour alimenter les usines en main d’œuvre. Mais, en août 1915, le nombre d’ouvriers libérés de leurs obligations militaires s’avère insuffisant pour faire face aux besoins de la production de munitions et d’armements. Christopher Addison, haut fonctionnaire en poste au Ministère des Munitions, estime alors qu’il est possible de faire venir 15 000 War Munitions Volunteers. Un mois plus tard, ce chiffre tombe à 6 000 en raison des difficultés à déplacer les hommes d’un bout à l’autre du pays et des querelles au sujet des salaires et des conditions de travail. Il faut ajouter à ce chiffre 5 000 hommes libérés de leurs obligations militaires. Le total reste cependant bien insuffisant au regard des besoins de la production (McLean 1983 : 32). Cette première stratégie, qui recevait l’approbation des syndicats, est donc un échec. Le gouvernement se trouve alors rapidement dans l’obligation de recourir à des stratégies moins acceptables pour les syndicats. La dilution en fait partie. Elle touche principalement l'industrie de construction mécanique, et dans une moindre mesure les chantiers navals, où la technicité et la diversité des métiers font plus difficilement l’objet d’une menace de dilution ou du remplacement par une main d’œuvre féminine. Le gouvernement cherche néanmoins à la rendre la plus acceptable possible en la faisant superviser par un comité composé principalement de syndicalistes, dont des représentants de l’Amalgamated Society of Engineers (ASE), le puissant syndicat des ouvriers qualifiés de l’industrie mécanique. Quelques mois après le début de la guerre donc, en mars 1915, les dirigeants de la plupart des syndicats d’ouvriers qualifiés signent un accord5 dans lequel ils s’engagent à accepter la dilution et à la faire accepter par la base. Ils reconnaissent aussi la nécessité d’une direction gouvernementale des relations du travail en échange de leur participation aux structures de décisions concernant la main d’œuvre et de la garantie d’un retour aux conditions d’avant-guerre à l’armistice (Civardi 1997 : 330 ; McLean 1983 : xv).

La troisième solution envisagée est la conscription industrielle.6 Elle est évidemment considérée inacceptable par les syndicats et ne semble pas être une solution à laquelle David Lloyd George, le premier Ministre des Munitions et Christopher Addison, qui lui succédera en juillet 1916, souhaitent recourir (McLean 1983 : 32-33).

4. Les premières protestations (1915)

Le premier conflit des ouvriers qualifiés de la Clyde se déroule en février 1915 lorsque des employeurs en construction mécanique refusent de leur accorder une augmentation horaire de deux pence pour leur permettre de faire face à l’augmentation du coût de la vie, à une période où les prix des loyers flambent.7 Par ailleurs, William Weir, important employeur de construction mécanique à Cathcart et futur Directeur des Munitions pour l’Écosse, fait appel à des ouvriers américains qu’il paye six shillings de plus par semaine que les ouvriers glaswégiens. Le conflit débouche sur une grève organisée et dirigée par un comité de grève, le Labour Withholding Committee (LWC) qui est composé de militants et de délégués d’atelier. Il parvient à conserver le contrôle du mouvement de grève, au détriment des responsables de l’ASE. La grève dure un peu moins de trois semaines et compte jusqu’à 10 000 membres de l’ASE en grève (soit les deux-tiers de tous les ouvriers qualifiés de la région) dans 26 usines de construction mécanique de la vallée de la Clyde (Civardi 1997 : 335-336). Cette grève revêt une importance majeure dans la mesure où elle marque la création du LWC, comité composé d’ouvriers syndiqués de la base qui décident sur le terrain de la conduite à tenir et refusent d’appliquer les consignes des responsables du syndicat, quand elles ne sont pas en accord avec leurs intérêts. Elle ouvre une brèche dans l'autorité de la hiérarchie syndicale. La constitution du LWC est aussi une étape importante vers la création du Clyde Workers’ Committee (CWC) plus tard la même année. Enfin, le gouvernement britannique se rend compte du rôle vital joué par certaines industries dans la production de munitions. Un accord est signé le 4 mars 1915 qui met fin à la grève. Le Treasury Agreement évoqué plus haut est signé dans la foulée les 17-19 mars.

C'est le premier acte d’un conflit entre l’État, les employeurs, les syndicats et les ouvriers dont les protagonistes sont les suivants: l’exécutif national de l’ASE, qui développe des positions conservatrices et corporatistes; le Ministère des Munitions, qui n’a d’autre choix que faire passer coûte que coûte le processus de dilution, aidé en cela par les représentants locaux de l’ASE qui veulent par dessus tout éviter la conscription industrielle, pour répondre aux besoins de l’armée britannique au front sur le continent; le Clyde Workers’ Committee (CWC), comité de grève créé en octobre 1915 et composé de militants et de délégués d’ateliers, pratiquement tous ouvriers qualifiés et donc menacés par la dilution, en désaccord avec les propositions du Ministère des Munitions et la position de l’exécutif national et des représentants locaux de leur syndicat.

Cette période de l'activité industrielle de la conurbation glaswégienne est d'autant plus agitée que se développent au même moment plusieurs fronts de contestation qu'il semble difficile de dissocier complètement: il y a les grèves en réaction à la loi sur les munitions et celles contre la dilution. Dans les deux cas, ce ne sont pas les mêmes secteurs d'activité ni les mêmes catégories d'ouvriers qui luttent pour leurs acquis. En revanche, dans les deux cas, c'est la question de l'autorité, du pouvoir et de la discipline – de l'État, du patron ou de l'ouvrier – qui est au cœur des revendications :

[…] the Clyde trades shared a common concern to restrict the powers of the employers under the [Munitions] Act, which defined shipyard and engineering labour as controlled under the Munition Act. At the centre of the campaign was the question of the legitimate authority […]. Even if dilution would affect the trades differently, the same issues of authority and discipline were to surface in the conflicts of early 1916. (Melling 1990 : 16)

En août 1915, l’usine Lang, à Johnstone, dans le Renfrewshire, envisage l’introduction de main d’œuvre féminine pour la réalisation des opérations les plus simples de la fabrication. Cette proposition est fermement condamnée par les hommes qui reçoivent le soutien de l’ASE, qui craint la mise en place d'une nouvelle division du travail grâce à la dilution (Melling, 1990 : 18) et qui voit là l'aspect néfaste des réformes de temps de guerre sur l'organisation industrielle :

The Lang case gave the ASE the classical example of a firm which was not directly engaged in the production of munitions – rather the manufacture of machines that tooled the whole engineering industry – but where wartime reforms could have a dramatic impact on industrial skills. (Melling 1990 : 18)

Les hommes refusent d’autant plus la déqualification de leur travail par le recours à la main d’œuvre féminine que des ouvriers qualifiés sont au chômage (McLean, 1983 : 38). Le Ministère des Munitions, récemment créé et peu populaire, n’est alors pas en mesure d’affronter un syndicat aussi bien implanté localement que l’ASE (McLean, 1983 : 39). Finalement, seules quinze femmes prennent leur poste vers la mi-novembre. Les hommes menacent de se mettre en grève et réitèrent leur menace en décembre. Cet épisode sert de test pour les employeurs qui remarquent vite que les ouvriers obtiennent gain de cause. Ils ne coopèrent donc pas avec le Ministère des Munitions pour la mise en place de la dilution (McLean, 1983 : 40). Dans le cas de Lang et dans d'autres cas similaires, Lynden Macassey, à la tête des Commissaires à la Dilution8, adopte la solution suivante: négocier les salaires localement avec simultanément la mise en place de la dilution avant d'aborder le sujet plus explosif du travail qualifié. Il installe des comités d'ateliers paritaires avec ouvriers et cadres qui permettent de court-circuiter les revendications politiques. Il faut cependant attendre leur nomination en janvier 1916 pour apaiser la situation à l'usine Lang, ce qui n'empêche pas l'agitation de reprendre fin février 1916 quand les ouvriers découvrent qu'ils ont ouvert la porte à une dilution de grande ampleur assortie de bas salaires (Melling 1990 : 18-19).

C’est le chantier naval de Fairfield à Govan, où deux grèves éclatent pendant l’été, la première le 27 juillet et la seconde le 26 août, qui est le théâtre de l’autre événement important de l’année 1915. Le point d’achoppement n’y est pas la dilution mais la clause de la loi de 1915 sur les munitions de guerre qui concerne les bons de sortie. Un Tribunal des Munitions condamne à un mois d’emprisonnement trois charpentiers du chantier naval qui avaient refusé de payer une amende infligée à la suite de leur grève de soutien à deux ouvriers licenciés. À l’origine, ces deux ouvriers avaient été licenciés pour paresse.9 En utilisant ce motif, et donc en refusant de leur donner un bon de sortie propre, ce que la loi de 1915 leur permet de faire, les employeurs du chantier naval stigmatisent les ouvriers et réduisent considérablement leurs chances de retrouver un emploi. La faiblesse de l’arsenal de sanctions prévues pour mettre en pratique la loi éclate au grand jour quand les responsables du mouvement de grève sont condamnés à payer une amende de £10. Quand trois d’entre eux refusent de payer et sont emprisonnés, la bourse du travail de Govan organise une grève de soutien. Le Labour Withholding Committee, reformé pour l’occasion après son échec de la grève de février, appelle à la grève alors que les responsables de l’ASE se contentent de demander une enquête. Le LWC finit par brandir la menace d’un important mouvement de grève et les trois prisonniers sont libérés. Il apparut ensuite que les trois hommes furent libérés après le paiement anonyme de leur amende. Les responsables de l’ASE furent vivement soupçonnés par les leaders du LWC d’avoir payé les amendes de peur que ne démarre un vaste mouvement de grève sur lequel ils n’auraient pas eu de contrôle.

Le conflit de Fairfield a révélé aux ouvriers le peu d’empressement des responsables de leur syndicat à les défendre face aux agressions de leurs employeurs. L’ASE apparaît trop modéré et trop peu enclin à contester les directives du gouvernement que les ouvriers considèrent dangereuses pour leurs acquis. Le LWC pose donc à nouveau la question de la légitimité et de la représentativité des instances officielles du syndicat.

La structure syndicale permet de prendre de la distance par rapport aux avis de la hiérarchie. Il existe en effet une organisation syndicale au sein des ateliers, relativement indépendante de la hiérarchie. Les délégués d’atelier sont élus par leurs collègues de travail. Ils ne sont pas des permanents syndicaux et ils ne sont pas rémunérés pour cette responsabilité. Au sein de chaque usine, ils se regroupent en comités de délégués10 et assument les fonctions de négociation avec les employeurs. Cette organisation favorise donc une révolte de la base qui échappe au contrôle direct par la hiérarchie ou, dans une moindre mesure, la possibilité de s’écarter de la ligne officielle du syndicat. Enfin, pendant les années avant-guerre, les syndicats ont une tendance à la concentration et à la bureaucratisation, ce dont les ouvriers qualifiés se méfient puisque cela va à l’encontre de la reconnaissance acquise localement, usine par usine, de la spécificité, de la diversité et de la complexité de leur travail. Centralisation et intérêts corporatistes ne vont pas de pair. Cela explique donc aussi le fait que la contestation est déclenchée par la base, contre l’avis des responsables syndicaux.

Le gouvernement prend peur et nomme deux personnes dont la mission est de proposer une solution pour sortir de la crise. Ils font deux recommandations. La première est de nommer une personnalité d’expérience qui aurait autorité pour traiter les conflits rapidement, en agissant en qualité de médiateur. Cela prépare la nomination des Commissaires à la Dilution. La seconde est d’abolir l’emprisonnement pour amendes non payées, en instituant toutefois des retraits sur salaire. Finalement, le gouvernement suit ces recommandations, sans pourtant instituer les retraits sur salaire. Il est accusé de temporiser, notamment par William Weir, à plusieurs reprises. Lord Balfour of Burleigh, ancien ministre conservateur qui avait été nommé par le gouvernement comme médiateur, estime quant à lui que les grévistes sont des citoyens exemplaires, des piliers de leur communauté religieuse dont les fils se battent au front, simplement révoltés par ce qu'ils considèrent être une interférence arbitraire avec leurs libertés (Harvie 2000: 19).

5. Le Clyde Workers' Committee, la guerre et la dilution

Le Clyde Workers’ Committee (CWC) voit le jour en octobre 1915 et va rapidement faire de l'ombre à l’ASE. Il est dirigé par un comité de délégués d’atelier issus des principales usines de construction mécanique de Glasgow. En grande majorité des ouvriers qualifiés, ce sont aussi des militants de partis révolutionnaires marxistes, le British Socialist Party (BSP) et le Socialist Labour Party (SLP). Ils utilisent leur influence grandissante pour militer en faveur d’une prise de contrôle des moyens de production par les ouvriers eux-mêmes.11 L'objectif est de donner une dimension clairement politique aux conflits entre l'État, les employeurs et les ouvriers.

Le CWC se démarque de l’ASE en proposant d’accepter la dilution, mais en l’encadrant avec des revendications fermes. William Gallacher12 parle de « maîtrise complète de l’industrie » dans l’édition du Worker13 du 15 janvier 1916. David Kirkwood parle, lors de la visite de Loyd George à Glasgow à Noël 1915 d’un « processus de dilution qui doit être mené sous le contrôle des ouvriers » et John Muir pare la dilution de vertus d’évolution industrielle.14 Il revendique une réelle cogestion paritaire dans le cadre de la nationalisation de toutes les industries (The Worker, 15 janvier 1916). Lors d'une entrevue avec Lloyd George pour préparer la réunion publique avec les délégués d'ateliers du 25 décembre, la question de la guerre elle-même est évoquée, mais c'est bien celle de la dilution qui importe le plus. L'opposition à la guerre du CWC n'est pas d'une grande fermeté. Un profond rejet de la guerre aurait dû aller de pair avec un rejet tout aussi ferme de la dilution. Ce n'est pourtant pas le cas:

We knew it was a war for trade and territory, said McManus, a war carried on for the purposes of imperialism. We were not supporting any such war. We opposed it. Therefore, there was no possibility of getting us to yield in the slightest degree, on any issue affecting conditions in the industry, by any appeal based on the need for winning the war. If that were understood, we should be in a better position to face the only question before us: Who is going to control dilution? (Gallacher 1936 : 94).

Le CWC s’affirme en fait en faveur d’une cogestion de l’industrie entre ouvriers et l’État et soutient une dilution qui réconcilie les intérêts des ouvriers qualifiés de l’industrie mécanique avec ceux des ouvriers non qualifiés utilisés dans le processus de dilution. Cette dilution doit être le prélude à la prise de contrôle de l’industrie par les ouvriers, comme l’écrit William Gallacher: « le but ultime du CWC est de fondre ces syndicats dans une organisation unique puissante qui donnera aux ouvriers la maîtrise complète de l’industrie. » (The Worker, 15 janvier 1915). Il se poursuit alors au sein du CWC un débat sur l’étendue de la cogestion, le contrôle ouvrier, et la transition vers le socialisme.

John Maclean adopte rapidement une position antimilitariste minoritaire et rompt définitivement avec le CWC pour suivre un chemin plus radical : « Si les ouvriers de la Clyde prenaient le contrôle partiel des usines de munitions, ils accepteraient ainsi une responsabilité partielle dans la guerre » (Vanguard, 30 décembre 1915). John Maclean refuse de soutenir une implication plus importante de la classe ouvrière dans la production d’armes et de la rendre ainsi directement responsable de la prolongation du conflit (Civardi 1997 : 340-341). Harry McShane rend ainsi compte des positions diamétralement opposées du CWC et de John Maclean :

Gallacher and others made their reputation in the 'tuppence or nothing' strike, but they failed to keep the movement together during the dilution struggle. John Maclean was opposed to the way the Clyde Workers' Committee and the socialists on it were behaving, and I agreed with him. John argued that the main struggle was against the war, but they had submerged their politics in workshop struggles and were not even mentioning the war inside the factories. Willie Gallacher's conduct in particular angered John Maclean. […]
Although the leadership of the CWC were supposed to be revolutionary socialists, they actually came under the influence of other ideas. […] [Muir] argued that the CWC should accept the war as a fact and work for what they could get in the circumstances. Davie Kirkwood was a member of the SLP when the war broke out and because of Muir's attitude he left and joined the ILP. Most other SLP members were anti-war like Arthur McManus, but didn't oppose Muir in the CWC; neither did the BSP members. This meant that no anti-war fight developed inside the factories; the men were making guns, shells and all kinds of munitions, but the all-important question was never raised. (McShane 1978 : 77-78)

Pendant l’année 1915, le gouvernement progresse peu sur le front de la dilution. Il doit rapidement se rendre à l’évidence quand Beveridge, sous-secrétaire au Ministère des Munitions en charge de la main d’œuvre, rapporte que de nombreux employeurs sont conservateurs et ne souhaitent pas sa mise en place. Les employeurs ne sont pas unis. D’un côté se trouve notamment William Weir, adepte agressif de la dilution. Il s’opposait déjà bien avant la guerre aux syndicats d’ouvriers qualifiés. Il voit la guerre comme une occasion rêvée de parvenir à ses fins et il poursuit la dilution à la fois pour gagner la guerre et servir les intérêts de son entreprise G & J Weir Ltd. D’un autre côté, en revanche, la plupart des employeurs dans la construction mécanique sont conservateurs et s’avèrent incapables – ils ne l'ont pas prévu car cela ne correspond pas à leur manière de diriger leurs ouvriers – ou réticents à mettre la dilution en place, même s’ils ne sont pas forcément contre le fait que quelqu’un – l’État – le fasse à leur place. Certains employeurs sont rebutés par les conflits que pourraient créer de tels changements d'organisation de la production. Beveridge rapporte que, malgré quelques avancées, le conservatisme des employeurs et des employés reste très important. En tout état de cause, les avancées qui ont lieu en 1915 ne sont pas suffisamment rapides pour satisfaire le besoin de main d’œuvre exigé par la situation. Le dernier recours du gouvernement est d’imposer la dilution par la force de la loi. L’exécutif de l’ASE est accusé par le gouvernement de traîner les pieds (en signant le Treasury Agreement, l’ASE s’était engagé à coopérer avec le gouvernement) et par les militants de laisser faire, car il a accepté la loi sur les munitions de guerre. Les militants ne veulent ni du contrôle de l’État sur les relations industrielles ni de la dilution. Mais la loi sur les munitions de guerre les prévoit. Il se profile aussi la conscription industrielle, qui n’est pas dans la loi sur les munitions de guerre, mais à laquelle le gouvernement fait pourtant allusion dès septembre 1915. Et ils en veulent encore moins. Lloyd George n’y est pas favorable mais l’envisage déjà comme ultime solution si les négociations avec l’ASE n’aboutissent pas.

Le gouvernement travaille lentement à la mise en place de la dilution. Il mène une guerre d’usure contre le CWC. Il complète son arsenal législatif par la promulgation d’un amendement à l'article 42 de la loi sur la Défense du Royaume qui prend la forme de l’ajout des mots en italique dans la première formulation de l'article et prend effet à compter du 30 novembre 1915 :

If any person attempts to cause mutiny, sedition, or disaffection among any of His Majesty’s forces or among the civil population, or to impede, delay, or restrict the production, repair or transport of war material or any other work necessary for the successful prosecution of the war, he shall be guilty of an offence under these Regulations.

McLean (1983 : 47-48) note qu’il semble que la presse socialiste et révolutionnaire écossaise, et notamment Forward15, soit complètement passée à côté de cet amendement. Pourtant, au début de l’année 1916, c'est cet amendement qui est invoqué pour interdire le journal de publication. Il s’avère également déterminant dans le combat du gouvernement face aux leaders du CWC en mars 1916 et il est à l’origine du deuxième emprisonnement de John Maclean en mars 1916.

Le travail de propagande mené par le gouvernement à l'échelle du pays vient compléter l'offensive sur le front industriel. Avec la création du War Propaganda Bureau en 1914, sous la responsabilité de Charles Masterman, le gouvernement met en effet en place un instrument de propagande efficace. Vers le milieu de l'année 1915, le War Propaganda Bureau a imprimé et diffusé plus de deux millions et demi de livres, discours, documents officiels et pamphlets au service du soutien des Alliés. Masterman loue les services de Thomas Hardy, H. G. Wells, John Masefield et des rédacteurs en chef des journaux :16

I was in the army then, in February 1915, and I remember the articles about the Clyde shirkers, the Clyde slackers, the Clyde traitors. Workers on Clydeside took a drink after work, and as far as the press were concerned that made them all drunkards. Lloyd George came out with the statement that strong drink was one of the enemies Britain had to fight. The Daily Record carried a photograph of a public house near the Fairfield Shipyard called Number One, which is still there, with all the 'half and halfs' lined up along the counter waiting for the yard gates to open at the end of the shift. Some papers even suggested that the strikers were in the pay of the Germans ! (McShane 1978 : 73)

6. L'interdiction de publication de Forward

Au niveau local, dans les centres de production de munitions de Glasgow, Sheffield et Newcastle, les représentants du gouvernement font savoir au Ministre des Munitions qu’il serait souhaitable qu’il vienne en personne s’adresser aux ouvriers qualifiés à propos du processus de dilution pour dissiper leurs inquiétudes. Lloyd George arrive à Glasgow le 23 décembre 1915. Ce jour même il se rend à Parkhead et s’adresse à un collège de délégués d’atelier présidé par David Kirkwood. Le 24 décembre il rencontre des responsables du CWC dont les revendications sont présentées par John Muir. Enfin, le jour de Noël, il tient une réunion publique à St. Andrew’s Halls. Les participants ne sont pas contrôlés comme ils auraient dû l’être par les organisations syndicales. La confusion provient de certains syndicats qui refusent d’y participer, jugeant cavalier le changement de date décidé unilatéralement au dernier moment par Lloyd George. Par ailleurs des querelles de personnes et d’influences17 au sein du CWC brouillent complètement sa position en ce qui concerne le boycott ou non de la séance (McLean 1983 : 49-52 ; voir également Gallacher (1936 : 86-97) pour un récit détaillé de cet épisode). Cela ne change pas grand chose à la situation sur le fond. Les ouvriers écossais sont mécontents et refusent la loi sur les munitions. Quelle que fût l'attitude de Kirkwood, il ne peut en tout cas lui être reproché de ne pas avoir prévenu Lloyd George de l'accueil qu'il allait recevoir:

These men are the Clyde shop stewards. I can assure you that every word you will say will be carefully weighed. We regard you with suspicion because the Munition Act with which your name is associated has the taint of slavery about it, and you will find that we, as Scotsmen, resent that. If you desire to get the best out of us, you must treat us with justice and respect. » (cité dans Finlay 2004 : 1)

Le discours de Lloyd George à St Andrew’s Hall le jour de Noël 1915 est conspué par les ouvriers présents. Gallacher (1936 : 98) en fait le récit suivant:

Our boys now started singing. They kept it going till the platform party came on, and then all got to their feet and the « Red Flag » was sung, the platform having to stand to the finish. Henderson then stepped forward to speak, and the storm broke. Roar after roar at the hapless Handerson. After vain attempts to be heard, he made a gesture, and Lloyd George got up. He pranced up and down the platform; he waved his arms; he stretched them in mute appeal. In a moment of comparative quiet, he shouted, 'I appeal to you in the name of my old friend, the late Keir Hardie! » At the mention of Keir Hardie's name, the « Red Flag » was sung again. He stormed and threatened, he screamed and shouted till the sweat ran down his face, but it was all to no use. When he stopped through sheer exhaustion, the signal was given and Johnny Muir got up on a seat.

Seule est autorisée par le War Office Press Bureau18 la publication d’un compte-rendu officiel rédigé par un journaliste de la Press Association et communiqué aux journaux abonnés à l’agence de presse. Ce rapport omet de signaler que l’assemblée était opposée à la dilution et que Lloyd George avait été conspué. Le journal Forward, qui n’est pas abonné à la Press Association ne reçoit pas la circulaire que le Press Bureau avait fait parvenir au préalable aux différentes rédactions et publie le compte-rendu rédigé par un journaliste spécialement dépêché pour l’occasion.

La publication du journal est interdite le 31 décembre 1915 au titre de l'article 27 de la loi sur la Défense du Royaume.19 C’est une interdiction de publication que Lloyd George a beaucoup de mal à défendre. Ses plus proches collaborateurs produisent des notes qui mettent en exergue le caractère non séditieux du journal. Ainsi Beveridge écrit que : « The Forward apart from tendencies to describe all wars as capitalist conspiracies does not appear anywhere as an anti-war paper. » (cité dans McLean, 1983 : 56). Au niveau local, les responsables de la police notent que « Johnston the editor of Forward does not belong to the dangerous section of Glasgow socialists. » (cité dans McLean 1983 : 56). McLean (1983 : 57) note aussi que Forward refusait même de faire état des grèves tant qu’elles n’étaient pas terminées afin de ne pas tomber sous le coup de l’ordonnance 42 de la loi sur la Défense du Royaume et ainsi éviter tout risque de procès. L’artifice légal employé par Lloyd George pour donner une légitimité à l’interdiction de publication de Forward est donc bien léger. Néanmoins, cette interdiction reste étroitement liée à la campagne menée par l’État et certains employeurs en faveur de la dilution. Au bout du compte, cette interdiction est entérinée lors d’une réunion au Ministère des Munitions à laquelle assistent tous les responsables politiques et administratifs car la publication du compte-rendu est considérée très dommageable pour le succès de la mise en place de la dilution. L’hebdomadaire n’est autorisé à paraître de nouveau que lorsque son rédacteur en chef Thomas Johnston promet de ne rien publier qui aille à l’encontre du processus de déqualification et qui contrevienne aux lois sur les munitions de guerre.

Dans la foulée, le journal militant de John Maclean, Vanguard, est lui aussi interdit de publication le 8 janvier 1916 lorsque les autorités apprennent son existence en découvrant qu’il est imprimé chez le même imprimeur que Forward.

7. Un État plus déterminé (1916)

Au début de l’année 1916, le gouvernement est bien décidé à mettre en place la dilution. Il définit une ligne de conduite ferme – largement inspirée des recommandations détaillées que lui avait fait parvenir William Weir, sans pour autant suivre les plus draconiennes. Les Commissaires à la dilution sont nommés le 28 janvier et décident de s’attaquer au problème usine par usine, en commençant par celles qui avaient jusque-là montré leur opposition avec le plus de vigueur. Ils sont confrontés à deux types d’opposition: celle menée par les conservateurs corporatistes (comme c'est le cas à l’usine Lang par exemple) et celle menée par les militants politiques du CWC (comme c’est le cas chez deux des plus gros employeurs de la région : les forges Beardmore, à Parkhead20 et l’usine Weir à Cathcart21).

Un amendement à la loi sur les munitions est voté pour faciliter le travail des Tribunaux des Munitions, rendu difficile par la présence en masse des ouvriers aux audiences dans le but d'intimider les présidents de séance, souvent avec succès. Toutefois, la loi reste appliquée de façon élastique, en fonction de la façon dont les accusés sont parvenus à s'organiser collectivement. En tout état de cause, c'est dans un esprit de lutte de classe que les ouvriers convoqués se présentent, aidés en cela par la présence massive d'autres ouvriers (Foster 1990 : 65).

À Parkhead, la dilution est acceptée rapidement22 mais elle ne peut être mise en place dans la foulée car l’employeur, très conservateur dans sa façon de diriger ses ouvriers, ne s’y était pas préparé. De façon générale, les attentes du Ministère des Munitions ne sont pas exaucées. Lynden Macassey écrit au Ministre des Munitions le 5 février 1916 pour lui expliquer les raisons de la lenteur de la mise en place de la dilution. Il y a d’abord les employeurs qui ne sont finalement pas prêts et capables de mettre la dilution en place, soit par incompétence, soit en faisant obstruction au processus, soit parce qu’ils ne s’y sont pas préparés. Du côté des ouvriers, les Commissaires à la dilution se heurtent souvent à un refus catégorique. Les deux réserves de taille émises par les ouvriers, au demeurant légitimes et fondées, évoquent la possibilité que le gouvernement ne tienne pas parole et refuse de faire passer une loi qui rétablisse les relations industrielles à ce qu’elles étaient avant guerre et la peur que les femmes deviennent une main d’œuvre tellement efficace que les employeurs continuent à les utiliser après la guerre au détriment des ouvriers qualifiés.

Un des obstacles majeurs à la mise en place de la dilution est l’activité du CWC. La censure s’abat donc sur The Worker, le journal du CWC, dont les deux rédacteurs en chef, William Gallacher et John Muir, ainsi que leur imprimeur Walter Bell, sont accusés de tentative de sédition à l'occasion de la publication d'un article incitant les ouvriers à la rébellion armée.23 Ils sont arrêtés le 7 février 1916. Le 14 avril, ils sont jugés et condamnés à des peines de prison de 12 mois (Gallacher et Muir) et 3 mois (Bell). Leur arrestation déclenche un mouvement de grève dans les usines majeures de la région, à l’exception notable de Beardmore, à Parkhead. Pour la deuxième fois,24 Kirkwood n’est pas solidaire du reste du CWC. Ses motivations sont simples : Gallacher rapporte une conversation dans laquelle Kirkwood lui explique qu’il était satisfait des termes de l’arrangement qui avait été convenu avec les Commissaires à la dilution et qui protégeait les ouvriers de l’usine. Gallacher conclut que cette position eut un effet dévastateur pour le mouvement : « This statement went circulating around the Clyde and caused incalculable harm. » (Gallacher 1936 : 105). C’est une brèche monumentale qui s’ouvre dans la possibilité de parvenir à un moment ou à un autre à mobiliser tous les ouvriers dans une grève générale. De même que Kirkwood à Parkhead, chacun prend conscience qu’il peut et doit maintenant se préoccuper de ses propres intérêts et négocier au mieux la dilution sur son lieu de travail. Les usines se mettent à signer les accords de mise en place de la dilution. C'est le cas chez Albion Works, où travaille Gallacher, et chez Barr & Stroud's, l'employeur de John Muir (Gallacher 1936 : 105).

Les autorités ont recours à l’éloignement forcé et à l’emprisonnement des activistes politiques et syndicaux pour briser les grèves. Les personnes concernées sont éloignées à Édimbourg ou à Liverpool et doivent se présenter à la police plusieurs fois par jour. La loi sur la Défense du Royaume permet au gouvernement de systématiquement traduire en justice, incarcérer et éloigner pour sédition les « fauteurs de troubles », les leaders des partis révolutionnaires (British Socialist Party, Socialist Labour Party) et les anarchistes. C’est une véritable campagne organisée pour annihiler toute voix discordante et d’opposition susceptible de propager la contestation et l’agitation dans les secteurs de production de munitions de la vallée de la Clyde. Ainsi, en septembre 1915, John Maclean est arrêté une première fois en vertu de la loi sur la Défense du Royaume. Il est accusé de tenir des propos destinés à faire obstacle au recrutement de l’armée britannique :

In September 1915, he had been arrested under the Defence of the Realm Act at a meeting at Shawlands. He had called the war a 'murder business' and got into an argument with a soldier, and the police twisted it and said that John had called the soldier a murderer. (McShane 1978 : 75-76)

Il est condamné à une amende de £5. Il refuse de la payer et écope alors d’une peine de cinq jours de prison. Aux principaux dirigeants du CWC qui sont déportés ou emprisonnés en mars 1916, il faut ajouter James Maxton et de nouveau John Maclean. Les dirigeants du CWC, jugés à Édimbourg, sont reconnus coupables de tentative de sédition. Ils sont condamnés à 12 mois de prison, réduisant le CWC à néant. Ils doivent se présenter à la police trois fois par jour et ne sont autorisés à rejoindre Glasgow que le 14 juin 1917, soit après plus d’un an d’éloignement. John Maxton est arrêté le 30 mars 1916 en compagnie de James McDougall25 et Jack Smith26 pour sédition pour avoir appelé les ouvriers glaswégiens à la grève lors d’une manifestation tenue à Glasgow Green contre la loi sur les munitions deux jours après la déportation de sept délégués d’atelier du CWC. Jugés aussi tous trois à Édimbourg, ils choisissent de plaider coupables pour obtenir des peines plus légères que les leaders du CWC mais écopent tout de même de lourdes peines de prison.27 Ils purgent leur peine dans une prison d’Édimbourg. John Maclean avait été arrêté en février 1916 et accusé de sédition à six reprises pour ses prises de position contre la conscription lors de meetings en plein air dans la région de la Clyde en janvier et février de la même année. Le 11 avril il est reconnu coupable et condamné à une peine de prison de trois ans. Il sortira de prison en juillet 1917 après avoir accompli 14 mois et 22 jours de sa peine, le lendemain d'une visite de Lloyd George à Glasgow pendant laquelle une foule hostile réclamant la libération de John Maclean l'oblige à rester sous bonne escorte policière et militaire.28

8. Vers la fin de l'unité

C’est la crise de mars 1916 qui va définitivement sceller le sort du mouvement contre la dilution. Elle se déroule à la forge Beardmore, à Parkhead. Lorsque les femmes embauchent à la forge le 29 février 1916, David Kirkwood vient se présenter à elles en sa qualité de président des délégués d’atelier. Le lendemain, il leur demande d’adhérer à la Fédération Nationale des Ouvrières.29 Depuis octobre 1914, la forge est un lieu de travail où il faut être syndiqué pour obtenir un emploi, ce qui explique la requête de Kirkwood.30 Sa démarche fait l’objet d’une plainte de la part de la directrice des affaires féminines de l’usine et Kirkwood se voit interdit de fréquenter le lieu de production réservé aux femmes. Par la suite, la direction lui refuse le droit d’intervenir sur un autre conflit, en vertu de l'accord qui a été signé. Ce dernier ne mentionne en effet aucunement l'existence d'un comité de délégués d'atelier qui aurait compétence pour suivre les changements ou les difficultés survenant dans les différents ateliers de la forge. Chaque atelier se trouve alors isolé et doit résoudre seul ses problèmes. Ceci est d’autant plus significatif et incompréhensible pour Kirkwood qu’il n’avait jusque-là jamais subi un tel affront et que la direction entretenait avec lui des relations paternalistes fortes qui lui conféraient une autorité et un respect certains dans l’usine:

He was very proud of his 'personal influence' with Sir William Beardmore, the owner of the Parkhead Forge – he usually negotiated directly with Beardmore. Beardmore, of course, took advantage of Kirkwood's attitude. After the dilution agreement was signed he introduced both men and soldiers into the workshops, and then refused Kirkwood the right to organise them! This time, the other shop stewards in Glasgow wouldn't support him. (McShane 1978 : 81)

En son absence, les délégués d’atelier appellent à la grève le 17 mars. Leurs revendications sont les suivantes : des soldats, principalement anglais, sont embauchés dans l’usine mais refusent de se syndiquer, ce qui est contraire aux accords entre les syndicats et la direction ; la direction refuse de laisser Kirkwood s’immiscer dans ce conflit.

À partir du 23 mars, les grévistes sont rejoints par d’autres ouvriers de quelques usines importantes de la ville. Les autorités rendent le CWC responsable de cette grève. À la Chambre des Communes, le 28 mars, Addison accuse le CWC de vouloir ralentir la production du plus important secteur de production de munitions et ainsi forcer le gouvernement à abroger toutes les lois qui lui permettent de maintenir son contrôle industriel. Le CWC est littéralement accusé de complot et d’attitude révolutionnaire. En vertu des articles 14 et 42 de la loi sur la Défense du Royaume, le gouvernement procède à l’arrestation et à l’éloignement forcé de David Kirkwood, James Haggerty, Samuel Shields et Robert Wainwright de l’usine de Parkhead et de James Messer et Arthur MacManus de l’usine Weir le 24 mars. Le 28 mars, trois autres délégués d’atelier de l’usine Weir sont contraints à l’éloignement. Comme ce fut déjà le cas lors de l’interdiction de publication de Forward, le gouvernement monte en épingle une série d’évènements qui n’ont pas ou ne peuvent pas avoir de rapport entre eux pour échafauder une théorie du complot révolutionnaire et légitimer les éloignements forcés.

Il n’y a néanmoins pas de perspective de grève générale puisque la plupart des ouvriers de Weir et Fairfield ainsi que ceux de Barr and Stroud ne suivent pas le mouvement, échaudés par le comportement des ouvriers de Parkhead quelque temps avant, lorsque, satisfaits de leurs arrangements à propos de la dilution, ils n’avaient pas participé au mouvement de grève (Gallacher 1936 : 105-107). Addison a donc tort de voir un mouvement « systématique et sinistre »31 visant à la réduction de la production de munitions. Une histoire est montée de toutes pièces pour discréditer le CWC. Elle est initiée par Macassey, qui la transmet à Addison. Elle tisse un lien imaginaire entre l’agitation industrielle, l’existence d’espions et les Allemands. Selon cette fable, les agitateurs de la Clyde sont financés par une personne qui possède une entreprise en Allemagne, dont la fille est mariée en Allemagne et dont le fils est marié à une Allemande (McLean 1983 : 83). Si Addison y croit au début, et l’utilise pour justifier l’éloignement des leaders du mouvement, il change d’avis assez rapidement, au point d’en supprimer toute allusion dans ses mémoires. Quant à Macassey, il persiste et n’a pas changé d’avis lorsqu’il publie ses mémoires en 1922. Cet épisode amène McLean (1983 : 84) à conclure que « if there was a plot on Clydeside between 17th March and 24th March, it emanated not from the CWC but from the Commissioners. »

Le 29 mars, trente grévistes sont condamnés à payer une amende de £5 par un tribunal des munitions. Le 31 mars se déroule une manifestation pacifiste d’ampleur à Glasgow Green avec le soutien de l'assemblée des métiers pour protester contre l’éloignement forcé des militants et le refus du comité des productions d’augmenter les salaires. Mais les ouvriers commencent à reprendre le chemin de l’usine. Le 5 avril, seuls 33 d’entre eux sont encore grévistes. Le 4 avril, le successeur de Kirkwood au poste de trésorier du CWC est contraint à l’éloignement et d’autres ouvriers sont menacés du même sort s’ils ne reprennent pas le travail dès le lendemain. Les ouvriers qui sont encore grévistes le 4 avril sont condamnés à des amendes dont le total atteint la somme très importante de £230 sans que cela provoque de réaction de la part de leurs camarades. Orphelins de leurs leaders, les ouvriers ne veulent pas s’engager dans une grève politique. Davantage d’agitation aurait signifié davantage d’éloignements forcés, d’emprisonnement, d’amendes. Cette crise montre clairement qu’il n’y a plus d’unité chez les ouvriers qualifiés et que les hommes ne sont pas prêts à poursuivre la lutte syndicale et industrielle au niveau politique.

La bataille de la dilution est perdue. Pourtant, en dépit des campagnes de presse féroces qui stigmatisent le sabotage de l'effort de guerre, de la peur des sanctions ou de l'épée de Damoclès de la conscription en cas de perte du statut d'ouvrier des munitions, les ouvriers continuent à défier l'exécutif officiel des syndicats (qui joue le jeu de l'arbitrage et de la conciliation voulus par le gouvernement) et à revendiquer en masse leur capacité nouvelle à négocier collectivement :

Penalties ranged from formal prosecution to the more informal removal of classified status and subsequent military conscription. Taking strike action usually meant defying official trade-union leaderships and rejecting the formidable apparatus of government-sponsored arbitration and conciliation. Yet, despite this, large numbers of workers were won to make direct use of the bargaining power that now lay in their grasp (Foster 1990 : 47).

Tout en militant pour une amélioration de ses conditions de vie au quotidien, la population revendique aussi un changement des relations qu'entretient l'État avec le capital. Cela place alors les revendications sur un plan idéologique :

Typically, strike action and industrial militancy was not the prerogative of a small group of conservatively-inclined craftsmen. On the contrary, wartime conditions opened up the possibility of collective action to a population which had been previously excluded from it – and in circumstances that demanded at least some ideological reorientation about the nature of state power and its relation to capital (Foster 1990 : 41).

La population ouvrière comprend bien que les industriels font des profits colossaux grâce à la guerre et à la réorganisation de la production, à leur détriment, sans être les seuls à pouvoir se prévaloir d'être patriotes, bien au contraire si l'on en juge par le nombre d'Écossais qui se sont engagés.32 Pour preuve du patriotisme des travailleurs écossais, 22 000 hommes de Glasgow se sont engagés à la fin de la première semaine de septembre 1914 et le recrutement dans certains endroits du pays doit être suspendu car les bureaux n'arrivent pas à faire face à l'afflux de volontaires (Finlay 2004 : 6). Finlay (2004 : 13) rappelle aussi qu'une fuite informa la population que la production de munitions fut délibérément maintenue en dessous des capacités de production de façon à faire grimper les prix, au profit des patrons. Le gouvernement n'avait pas d'autre choix que payer. Le profit pouvait donc passer avant le patriotisme et les ouvriers savaient qu'ils en payaient le prix. À cette posture des employeurs s'ajoutait la répugnance qu'éprouvaient la plupart des ouvriers à fabriquer des munitions, surtout quand ils avaient des frères et des amis au front.

9. Conclusion

Les revendications des années 1915-1916 ne se développent pas sur des bases fondamentalement antimilitaristes. Seul John Maclean, dont les discours contre la guerre attirent des foules considérables, développe cet argument pour s'opposer à une quelconque cogestion des ouvriers avec les employeurs de l’appareil de production. Il reste fortement minoritaire au moment où le débat s’impose au sein du CWC. Le CWC adopte un discours pacifiste de circonstance lorsqu’il reprend vie après le retour de ses leaders à partir de la mi-1917 et demande la tenue d’une conférence internationale pour discuter des conditions de la paix. Il faut dire que la menace pressante de la conscription des ouvriers qualifiés œuvre dans le sens d’une position pacifiste. Il est en effet délicat pour les ouvriers qualifiés, et de plus en plus difficilement justifiable, de se mettre en grève contre une imminente conscription alors que les ouvriers non qualifiés y étaient soumis depuis deux ans.

En avril 1916, le gouvernement a réussi à annihiler toute résistance à la dilution dans la vallée de la Clyde. La mise en place de la dilution débute à partir du moment où les leaders de la contestation sont éloignés. La région voit finalement un nombre incroyable de femmes accomplir des tâches qui étaient jusque-là réservées aux hommes. La guerre fait entrer les femmes dans les usines. En Grande-Bretagne, le nombre de femmes employées passe de 3 224 600 en juillet 1914 à 4 814 600 en janvier 1918. 200 000 femmes travaillent pour le compte de l'État et 500 000 sont employées dans le secteur privé. Elles sont aussi contrôleurs dans les bus et les tramways. Plus de 250 000 d'entre elles travaillent dans le secteur agricole. L'augmentation la plus importante se situe dans l'industrie où plus de 700 000 travaillent dans les usines de munitions où elles étaient jusque-là interdites d'emploi. Elles y sont affectées à des tâches aussi pénibles que le déchargement du charbon, l'alimentation des haut-fourneaux ou la construction des bateaux. Elles travaillent au contact de produits très toxiques dans des usines qui produisent des munitions 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Christopher Addison, qui succède à Lloyd George au poste de Ministre des Munitions estime qu’en juin 1917 80% des munitions et coques d’obus sont fabriqués par des femmes. Malgré un combat acharné mené par Mary Macarthur33, et une augmentation de leurs salaires, elles gagnent en moyenne moins de la moitié du salaire des hommes pour faire le même travail. En conséquence, elles doivent elles aussi se battre pour leurs droits syndicaux, ce qui contribue à élargir le spectre des catégories d'ouvriers impliqués dans les conflits industriels. Cela crée aussi une passerelle entre action industrielle et action au sein de la communauté, comme dans le cas des grèves des loyers, car les femmes réinvestissent leur expérience acquise dans l'action industrielle.

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Notes

1 Pour plus de commodité, le terme ‘munitions’ sera utilisé pour désigner l'ensemble de la production d'armes, munitions, bateaux et autres matériels de guerre. Retour au texte

2 Rent strikes. Ces dernières ont pour origine la vertigineuse augmentation des loyers dans les secteurs industriels de Glasgow. De nombreuses femmes ouvrières, dont les maris sont au front, sont trainées en justice par des propriétaires qui profitent d'une pénurie de logements pour leur imposer des loyers exorbitants qu'elles ne peuvent pas payer. C'est un mouvement qui attire la sympathie et le soutien d'un nombre considérable d'ouvriers, quel que soit leur statut et loin de toute considération corporatiste. Retour au texte

3 Voir par exemple l'article d'Olivier Estève. Olivier Estève (2008). « Les Glasgow Rent Strikes de 1915 ou quand la désobéissance civile des femmes contraint le législateur », in : Revue LISA/ LISA e-journal [Online], Vol. VI – n°4, URL : http://lisa.revues.org/970 Retour au texte

4 http://www.nationalarchives.gov.uk/pathways/firstworldwar/first_world_war/p_defence.htm, accès le 14 mars 2011; http://books.google.co.uk/books?id=2YqjfHLyyj8C&lpg=PA341&hl=fr&pg=PA341#v=onepage&q&f=false, accès le 14 mars 2011. Retour au texte

5 Le Treasury Agreement, signé alors que David Lloyd George est Chancelier de l'Échiquier. Retour au texte

6 La conscription industrielle signifie que les ouvriers sont affectés arbitrairement à la production d’armes et de munitions et soumis à la même discipline que leurs camarades engagés volontaires dans l’armée. Cela est évidemment inacceptable pour l’ASE car la conscription industrielle est incompatible avec le respect des spécificités du statut d’ouvrier qualifié. Retour au texte

7 Cette grève est surnommée « the tuppence an hour strike ». Voir McShane (1978 : 72-74). Retour au texte

8 Dilution Commissioners : Lynden Macassey, Isaac Mitchell et Sir Thomas Munro nommées par le gouvernement au début de l’année 1916 et dont la mission est de présider localement à la mise en place de la dilution. Retour au texte

9 Slacking. Retour au texte

10 Works Committees of Stewards. Retour au texte

11 Les deux seules exceptions dans la composition des représentants des ouvriers à la tête du CWC sont David Kirkwood, représentant des délégués d’atelier de la forge Beardmore à Parkhead, trésorier du CWC mais militant de l’Independent Labour Party (ILP) et John Maclean, seul membre du CWC à ne pas travailler dans l’industrie puisqu’il est professeur dans une école de Govan jusqu’à ce qu’il soit renvoyé en 1915 à cause d’un conflit avec sa hiérarchie. Il se consacre dès lors uniquement à la cause révolutionnaire. Il est néanmoins militant du British Socialist Party. Retour au texte

12 Il sera élu à la Chambre des Communes en tant que membre du Parti Communiste de Grande-Bretagne en 1935. Retour au texte

13 The Worker est la publication hebdomadaire du Clyde Workers’ Committee. Sa publication débute mi-janvier 1916. Retour au texte

14 « We regard [dilution]as progressive from the point of view that it simplifies the labour process, makes labour more mobile, and tends to increase output. In short it is a step in the direct line of industrial evolution. » The Worker, 15 janvier 1916. Retour au texte

15 Forward est la publication hebdomadaire de l’Independent Labour Party (ILP). Retour au texte

16 http://www.nationalarchives.gov.uk/pathways/firstworldwar/britain/espionage.htm accès le 14 mars 2011. Retour au texte

17 David Kirkwood, seul membre de l’ILP dans un comité composé de membres du British Socialist Party et du Socialist Labour Party avait accepté une entrevue à l’initiative de Lloyd George et fait rapporter qu’il était parvenu à négocier une compensation pour les hommes de la forge Beardmore en échange de la mise en place de la dilution. Cette démarche est vécue comme une trahison, dont la portée est amplifiée par le fait qu’il était évident que Kirkwood était fortement influencé, voire manipulé par John Wheatley, le stratège politique de l’ILP à Glasgow. Retour au texte

18 Agence de presse créée par le gouvernement en août 1914 dans le but de censurer les informations de l’armée britannique en provenance du front avant de les divulguer à la presse. Retour au texte

19 « No person shall spread false reports or make false statements or reports or statements likely to cause disaffection to His Majesty. » Retour au texte

20 Dans l’East End de Glasgow. Retour au texte

21 Dans la partie sud de Glasgow. Retour au texte

22 Le 26 janvier 1916. Les termes de l’accord sont les suivants : « 1/ That the outcome of the new class of labour be fixed not on the sex, previous training, or experience of the worker, but upon the amount of work performed, every effort being made to secure the maximum output. 2/ That a committee appointed by the workers be accepted by the employers with powers to see this arrangement is loyally carried out. Failing agreement between employer and the committee, the matter be referred to a final tribunal, mutually agreed. 3/ That a record of all past and present changes in practice be handed to the convenor of the shop stewards and by him remitted to the District Office to be retained for future reference. 4/ That all skilled and semi-skilled men who were engaged at the Engineering trade in the service of the firm immediately prior to the war be granted a certificate to that effect. 5/ No alteration shall take place in this scheme unless and until due notice is given to the workmen concerned and the procedure is followed as prescribed by Clause 7 of Schedule 11 of the Munitions of War Act, 1915.» (Gallacher 1936 : 103-104) Retour au texte

23 Article intitulé « Should the workers arm? », publié le 29 janvier 1916 dans The Worker. L'article avait en fait été rédigé par Willie Reagan, un membre de la Catholic Socialist Society. Dans cet article, son auteur s'oppose à l'insurrection et argumente contre la lutte armée des ouvriers (McShane 1978 : 80). Retour au texte

24 La première « trahison » avait eu lieu lors de la visite de Lloyd George à Glasgow les 23, 24 et 25 décembre 1915. Retour au texte

25 James McDougall est un militant du British Socialist Party, parti révolutionnaire marxiste, et compagnon de John Maclean. James Maxton est militant de l’Independent Labour Party. Retour au texte

26 Délégué d’atelier anarchiste. Retour au texte

27 Maxton et McDougall sont condamnés à 12 mois de prison tandis que Smith est condamné à 18 mois. Retour au texte

28 Voir les récits détaillés de Gallacher (1938 : 115-148) et McShane (1978 : 80-81), notamment à propos des conditions de détention. Retour au texte

29 National Federation of Women Workers. Retour au texte

30 Kirkwood avait joué un rôle important dans la reconnaissance officielle des syndicats dans l’usine alors qu’il en avait lui-même été exclu pendant plusieurs années après le blocage de 1897. Retour au texte

31 « From that time [the 17th March] the series of strikes appears to have proceeded upon a systematic and sinister plan », cité dans McLean (1983 : 81). Retour au texte

32 Richard Finlay (2004 : 14) « The impact of rising prices due to wartime inflation led to increasing industrial militancy, a course of action that seemed justified because the bosses were making handsome profits and certainly did not have a monopoly of patriotism. » Retour au texte

33 Mary Macarthur (Glasgow, 13 août 1880 – Londres, 1er janvier 1921). Bien qu'issue d'une famille aisée et conservatrice, elle adhère en 1901 au Shop Assistants' Union au comité exécutif national duquel elle est élue en 1903. Elle devient alors secrétaire générale de la Women's Trade Union League et consacre toute son activité à la promotion des femmes au travail. En 1906 elle fonde la National Federation of Women Workers, syndicat général ouvert à toutes les femmes. Elle s'emploie à faire reconnaître et soutenir les revendications des ouvrières et des employées. En 1909, elle entre au conseil national de l'Independent Labour Party. Lors que la Première Guerre mondiale éclate, elle se range aux côtés des pacifistes, sans pour autant mener campagne contre la guerre. Elle préfère consacrer son énergie à la lutte pour les droits des femmes. Elle meurt en 1921, le jour où la National Federation of Women Workers fusionne avec le National Union of General Workers. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Fabien Jeannier, « L'État britannique autoritaire – Le cas de la résistance à la dilution à Glasgow en 1915-1916 », Textes et contextes [En ligne], 6 | 2011, publié le 01 décembre 2011 et consulté le 28 mars 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=323

Auteur

Fabien Jeannier

Doctorant en études anglophones, Laboratoire Triangle (UMR 5206), Université Lumière Lyon 2

Droits d'auteur

Licence CC BY 4.0