Envie et déni des liens de filiations

DOI : 10.58335/filiations.76

Résumés

Dans cet article la psychanalyse est appelée à fournir un cadre théorique pour l’exploration de la thématique de la filiation littéraire. S’appuyant notamment sur les travaux de Mélanie Klein et de Janine Chasseguet-Smirgel, l’auteur voit l’envie des écrivains modernes à l’égard de leurs prédécesseurs comme responsable d’une crise qui n’est pas moins psychique qu’esthétique. En effet, l’envie qui a pour objet la faculté créatrice des « pères » témoigne d’une souffrance du sujet psychique et amène une forme de souffrance de l’art, ou en tous les cas un pervertissement du processus artistique « sain » qui passe par l’intégration de la puissance créatrice paternelle par le « fils » symbolique.

This article uses a psychoanalytical framework in order to explore the theme of literary filiation. The author grounds his study in the works of Melanie Klein and Janine Chasseguet-Smirgel and argues that the envy some modern writers feel for their predecessors is responsible for a crisis that is both psychological and aesthetic. Indeed, this envy is symptomatic of the psychic subject's torment and leads to a form of sufferance of art or, in any case, of a perversion of the "healthy" artistic process which requires the symbolical son's integration of the father's creative power.

Plan

Texte

Combien de fois ai-je gravi l’escalier abrupt qui mène du Cours Cavour, si dépourvu de charme, à la place solitaire sur laquelle se dresse l’église abandonnée, essayant toujours de soutenir le regard dédaigneux et courroucé du héros ; et parfois, je me suis alors faufilé précautionneusement hors de la pénombre de la nef, comme si je faisais moi aussi partie de la populace sur laquelle se darde son œil…

Sigmund Freud, Le Moïse de Michel-Ange. (Freud 1985 : 90)

Il y a maintenant deux ans au colloque de l’université de Caen consacré à la critique littéraire en France et en Italie, j’ai tenté de mettre en évidence l’influence – essentiellement occulte – de l’envie au sein de l’activité critique, et particulièrement son rôle inconscient dans la critique « scientifique » universitaire, qui a conduit à la destruction de l’auteur, à la promotion du texte et à l’assomption de la littérature secondaire (Wilhelm 2007 : 217-219). Giuseppe Sangirardi et Nicolas Bonnet font suivre leur recherche sur la critique d’un questionnement sur la filiation symbolique. Un lien profond unit, à mon sens, ces deux problématiques. Le critique idéal doit parvenir à dépasser son envie à l’égard du créateur, de même que le jeune artiste à l’égard de celui qu’il reconnaît comme un maître. À cette condition, le critique parvient à déployer, à  traduire, disait Baudelaire, les significations contenues dans les œuvres que leurs figurations artistiques rendent à la fois bouleversantes et obscures, puisqu’elles s’adressent directement aux couches profondes du psychisme ; et l’artiste, s’il accepte d’être un héritier, peut bénéficier d’un cadre où figurer son univers inconscient. Quand, au contraire, l’envie conduit le critique à oublier sa place, à soutenir sans crainte le regard dédaigneux du génie, le processus de dévoilement intellectuel risque d’être entravé. Il en va de même en ce qui concerne la création artistique. Les liens de filiations sont l’objet par excellence des attaques envieuses. Et pourtant, sans intégration de ces liens, sans identification aux figures parentales ou à leur substituts – identifications qui intègrent la rivalité, aussi violente soit-elle – il n’y a pas de création possible. Peut-on envisager une telle problématique d’un point de vue strictement psychologique et intemporel ? Sans doute, mais la crise de la filiation symbolique qui inaugure le monde moderne n’est-elle pas de nature à exacerber l’envie ?

1. LA HAINE DU BEAU

Le Portrait de Gogol raconte l’histoire du peintre Tchartkof qui interrompt précocement ses études et devient un portraitiste à la mode dénigrant la peinture antérieure au XIXe siècle :

Raphaël lui-même n’est pas toujours excellent, et seule une tradition bien enracinée assure la célébrité à nombre de ses tableaux ; Michel Ange est entièrement dénué de grâce, le fanfaron ne songe qu’à faire parade de la science de l’anatomie ; l’éclat, la puissance du pinceau et du coloris sont l’apanage exclusif de notre siècle. (Gogol 1966 : 699)

Son succès repose sur une inversion de la démarche artistique. Au lieu de travailler à partir de son modèle pour réaliser un portrait, il s’inspire d’une représentation idéale, celle d’une déesse, dont il déforme légèrement les traits afin de lui donner une ressemblance avec la jeune fille qu’il portraiture. Par cette substitution mensongère, il évite le travail de transfiguration de la mimésis au sens aristotélicien, ou de la sublimation, pour réduire la peinture à ce que Platon appelle un art de la flatterie. Mais, de falsification en falsification, il perd son talent. Bien des années plus tard, il assiste au triomphe d’un jeune collègue, et connaît « l’affreuse torture qui ronge les talents médiocres quand ils essaient vainement de dépasser leurs limites ». Il est alors envahi par une envie furieuse :

Dès qu’il voyait une œuvre marquée au sceau du talent, le fiel lui montait au visage, il grinçait des dents et la dévorait d’un œil de basilic. Le projet le plus satanique qu’un homme ait jamais conçu germa dans son âme, et bientôt il l’exécuta avec une ardeur effroyable. Il se mit à acheter tout ce que l’art produisait de plus achevé. Quand il avait payé très cher un tableau, il l’apportait précautionneusement chez lui et se jetait dessus comme un tigre pour le lacérer, le mettre en pièce, le piétiner en riant de plaisir. Les grandes richesses qu’il avait amassées lui permettaient de satisfaire son infernale manie. Il ouvrit tous ses coffres, éventra tous ses sacs d’or. Jamais aucun monstre d’ignorance n’avait détruit autant de merveilles que ce féroce vengeur. Dès qu’il apparaissait à une vente publique, chacun désespérait de pouvoir acquérir la moindre œuvre d’art. Le ciel en courroux semblait avoir envoyé ce terrible fléau à l’univers dans le dessein de lui enlever toute beauté. (Gogol 1966 : 705)

Si l’histoire de Tchartkov réactualise le topos de la rivalité envieuse entre artistes, elle en démontre l’origine archaïque. Tchartkov ne détruit pas des œuvres d’art pour la seule raison qu’il est jaloux de ses pairs qui ont cultivé leur talent alors qu’il a gâché le sien. Sa jalousie – tristesse devant un bonheur qu’il aurait pu posséder – n’est qu’un affect second qui réactualise l’affect primitif qui a conduit à esquiver l’acculturation. À travers les toiles qu’il détruit, il vise une puissance créatrice originaire – les métaphores associent la pulsion scopique caractéristique de l’invidia – qui veut à la fois pénétrer l’objet qu’elle envie et fixe haineusement, et le faire disparaître en détournant le regard – et le sadisme oral – dévorer – et anal – mettre en pièce, réduire à l’état de déchet. Les attaques contre les tableaux évoquent les agressions fantasmatiques du sein maternel imaginées par Mélanie Klein. L’envie semble bien viser ici, par le biais de la beauté, la bonté originelle du sein qui n’est autre que sa capacité à créer de la nourriture et à la donner. L’envie peut être comprise comme un affect, comme un représentant de pulsions mortifères qui atteindraient leur but en supprimant l’excitation douloureuse et la cause de l’humiliation, sa destruction y substituant une jubilation jouissive. Mais elle n’est pas simplement un affect. On est envieux comme on est mélancolique ; en témoigne la constance, la ténacité destructive de Tchartkov. L’envie comme la mélancolie est un rapport au monde. Mais, si dans la mélancolie sa gaieté est ressentie comme une insulte, sa beauté est souvent une consolation, tandis que dans l’envie la seule vue de la beauté suffit à provoquer l’humiliation et la haine. L’envie est une force qui cherche à éradiquer la beauté du monde, et en premier lieu les œuvres d’art parce que leur contemplation réactualise des souffrances narcissiques primitives liées au contraste entre la créativité parentale et l’impuissance originaire.

Selon la théorie du narcissisme, la faille primitive entre le moi et l’idéal doit être compensée par une nouvelle illusion. Le moi n’englobe plus le monde, mais la toute-puissance qui est attribuée à la mère, premier idéal du moi, permet de compenser la blessure originelle, dans la mesure où elle demeure au service de l’enfant. L’envie archaïque peut mettre en échec cette illusion nécessaire et l’infans être ramené plus radicalement encore à son néant du seul fait que la mère soit aussi oblative qu’omnipotente. Edvard Munch dans Une Madone en donne la figuration la plus expressive en opposant la vierge en extase, qui occupe l’ensemble du sujet, au fœtus dessiné dans la marge (Voir Wilhelm 2005a : 121-144). Cet avorton figure une déflation narcissique originaire produite par la beauté et la bonté maternelle. Ainsi, la défense primitive qui permet de supporter les frustrations inhérentes à la découverte du réel, à savoir le clivage entre bon sein gratifiant et mauvais sein frustrant ne peut remplir sa fonction. L’envie est précisément une pathologie du clivage (Voir Guignard 1997 et 2005) : le mauvais resurgit sans cesse sous le bon. Tout ce qui est donné devient mauvais du seul fait qu’il est donné et révèle ainsi l’incapacité de l’infans à le créer seul : l’envie attaque la mère – sujet de la création primitive – et tout ce qui vient d’elle – toutes ses créations – entravant ainsi les processus d’introjection bénéfiques. La tendance ultérieure à dénier les liens de filiations trouve son origine dans cette relation archaïque : le sujet ne veut rien devoir à ses géniteurs : il veut faire psychiquement table rase. La prévalence de l’invidia archaïque peut entraîner une perversion absolue de la démarche créatrice ; qui s’exerce en dé-créant. Michelet en donne des exemples saisissant à propos des massacres de septembre 1792 voulus par les membres de la Commune de Paris :

[…] la plupart étaient des auteurs de troisième ordre, des artistes médiocres, des acteurs sifflés, ils avaient […] un fond général de rancune et d’envenimement qui, par moments, tournait à la rage. Le type du genre était Collot d’Herbois, acteur médiocre et fade écrivain, auteur moral et patriotique. […] On sait son ivresse à Lyon, la poésie d’extermination qu’il chercha dans les mitraillades, jouissant (comme cet autre artiste, Néron) de la destruction d’une ville. (Michelet 1979 : 820)

Si les travaux de Mélanie Klein (1968) permettent de comprendre la réactualisation de l’envie archaïque par la créativité, ceux de Chasseguet-Smirgel (1971, 1984, 1986) mettent en évidence le rôle de l’envie dans la phase œdipienne et ses conséquences sur le rapport de l’artiste à la filiation paternelle. L’envie doit encore être distinguée de la jalousie. L’enfant n’est pas seulement jaloux du père qui accapare la mère, il est envieux du développement adulte de son pénis doué de capacités fécondantes. Il est envieux de la puissance créatrice paternelle après l’avoir été de la puissance créatrice maternelle. Si cette envie est trop intense, au lieu de faire de son père un idéal, il idéalisera ses propres pulsions et objets prégénitaux, et dévalorisera proportionnellement les attributs de la paternité. Un pareil sujet peut devenir du point de vue clinique un pervers – il continue à promouvoir sa solution sexuelle à lui – du point de vue social, un imposteur qui passe à l’acte son roman familial, et quand il est artiste un plagiaire condamné à copier ce qu’il n’a pu intégrer, plagiaire qui tient donc, quoique sous une forme atténuée, et du pervers par son incapacité à une réelle sublimation et de l’imposteur, du faussaire, par le vol d’originalité qu’il effectue. L’entrave mise par l’envie à l’intégration des qualités paternelles et maternelles interdit en effet la constitution du cadre nécessaire à l’activité artistique.

2. LE CADRE PATERNEL ET MATERNEL DE L’ŒUVRE D’ART CONTENANT DES IDENTIFICATIONS PROJECTIVES

Janine Chasseguet-Smirgel (1988) interprète le besoin de créer des artistes comme une nécessité quasi compulsionnelle de projeter les parties indésirables du moi, plus précisément de donner un support aux identifications projectives qui attaquent primitivement le sein maternel. Je rappelle qu’il s’agit d’une défense par laquelle les parties dangereuses du moi sont non seulement évacuées par la projection, mais servent à prendre possession de l’autre. Pour que la création artistique puisse jouer cette fonction de contenant du mauvais, il faut qu’il y ait un cadre – il s’agit ici d’une analogie dont le comparé est le cadre analytique – qui joue une double fonction maternelle et paternelle. Maternelle en tant que support matériel de la création, qui devient un équivalent du corps maternel objet des identifications projectives, paternelle en tant que bordure, qui donne une limite à ce corps, et témoigne autant du caractère borné de la mère que des visées non mégalomaniaques de l’artiste. L’insertion dans une tradition, une école, le respect des contraintes spécifiques à un mode d’expression – qui sont autant de limites imposées à l’omnipotence – participent également à cette fonction paternelle.

L’œuvre d’Emile Zola1 met en évidence la faillite du cadre en tant que support maternel. Comme dans tous les romans des Rougon-Macquart, l’envie occupe une place centrale, non seulement l’envie fraternelle qui fait haïr Rougon par Macquart, mais plus essentiellement l’envie archaïque. La représentation d’une famille issue d’une femme dont les tares héréditaires se transmettent implacablement de générations en générations me paraît en effet témoigner d’un refus des aspects bénéfiques de l’apport maternel dans la filiation ou du moins d’une rivalité sans merci à l’égard des potentialités créatrices du sein féminin, dont l’image fascinante et redoutée est figurée dans chaque roman par une figure monstrueuse qui engloutit les personnages : la mine, l’alambic, la mer, la terre, la locomotive, etc., l’œuvre dans le roman éponyme. L’envie est bien le moteur du besoin de créer de Claude Lantier qui compare, avec un inconscient sadisme, l’éternelle jeunesse des femmes qu’il peint avec son épouse qui lui sert de modèle :

Certes, oui, tu peux t’en flatter, ton corps a été bigrement bien !

Il ne disait pas ces choses pour la blesser, il parlait simplement en observateur, fermant les yeux à demi, causant de son corps comme d’une pièce d’étude qui s’abîmait.

« Le ton est toujours splendide, mais le dessin, non, non, ce n’est plus ça ! … Les jambes, oh ! les jambes, très bien encore : c’est ce qui s’en va en dernier chez la femme. Seulement, le ventre et les seins dame ! ça se gâte. Ainsi, regarde-toi dans la glaçe : il y a là, près des aisselles, des poches qui se gonflent, et ça n’a rien de beau. Va, tu peux chercher sur son corps à elle, ces poches n’y sont pas…. […] Non, décidément, je ne puis rien faire avec ça… Ah ! vois-tu, quand on veut poser, il ne faut pas avoir d’enfant ! » (Zola 1983 : 291-292)

Et comme pour donner une preuve factuelle à ses discours, Claude la contraint à poser nue jusqu’à l’épuisement. Le peintre ne parvient pas à achever ses toiles parce que la rivalité envieuse avec la femme – origine du monde – le conduit à vouloir créer une figure vivante. La création est pour lui un moyen de triompher dans le réel de la mère. Dans son travail acharné, on ne parvient plus à discerner la pulsion de voir et de savoir du sadisme primitif et de leur visée sexuelle originelle, de sorte qu’il échoue à leur donner forme. Claude agresse alors physiquement la toile en la crevant. Par une brutale désublimation – c’est la vision des mous de boeufs dans les étalages des halles qui a conditionné la vocation de Claude Lantier, le frère de Jacques, la bête humaine – le couteau du peintre se fait couteau de boucher pour ouvrir le ventre. Claude laissera mourir son fils – celui qui a été porté par sa femme – sans lui accorder un regard, mais il le peindra à peine mort, et enverra sa toile au Salon. Il se pendra enfin devant l’œuvre – vaste toile qui représente Paris dominé par une Idole dont il ne parvient pas à terminer le ventre.

Si le cadre maternel peut être mis à mal par l’envie archaïque – le sujet agresse sa propre œuvre qu’il ne peut pas achever – l’envie à l’égard du père peut également menacer sa fonction paternelle. Il ne s’agit plus alors d’une agression de l’œuvre, signifiant l’incapacité d’intégrer l’apport maternel, mais d’une sortie de l’œuvre du cadre qui figure la faiblesse de la fonction séparatrice. Ainsi, au moment où Tchartkov envisage de renoncer à « suer sang et eau sur la b c de [son] art », pour « briller aussi bien que les autres et faire fortune tout comme eux », « un visage convulsé, qui paraissait sortir d’une toile déposée devant lui, fix[e] sur lui deux yeux prêts à le dévorer (Gogol 1966 : 680). Il s’agit du portrait d’un usurier doué du pouvoir maléfique de transmettre l’envie à ses possesseurs par son regard. Dès que ceux-ci sont parvenus à le vendre ou à le donner, leur envie disparaît. Gogol figure ainsi à la fois la projection – le portrait s’anime d’un regard envieux au moment même où l’envie conduit Tchartkof à esquiver le travail de maturation – mais aussi l’identification projective, puisque le fait de se débarrasser du portrait en le donnant à un autre – figure le mouvement qui veut faire porter à autrui les parties dangereuses du moi.2 Gogol met ainsi en évidence le lien entre le refus d’intégrer les valeurs paternelles et la faiblesse constitutive du cadre devenu incapable de contenir les identifications projectives, issues de l’envie, qui sortent de l’œuvre, font retour dans le réel, et viennent sous forme de crainte paranoïde agresser le créateur.

La destruction de l’œuvre par l’artiste ou l’animation du sujet qui sort du cadre sont des formes extrêmes de sa faillite : il en est d’autres moins spectaculaires, qui caractérisent la pseudo-création. Si le but des pulsions originaires a changé, elles ne sont pas modifiées dans leur nature. L’absence d’originalité intrinsèque de l’œuvre en est le symptôme. Ce qui n’a pas été intégré, approprié, ne peut qu’être volé : l’œuvre est une copie, un plagiat, mais sa facticité est masquée par une utilisation perverse du cadre qui devient un moyen au service de l’idéalisation. Nous touchons ici à la vaste question de l’esthétisme pervers, qui a pour fonction d’idéaliser les pulsions et les objets de la sexualité prégénitale afin d’assurer la supériorité ontologique des productions infantiles sur les œuvres parentales. L’artiste se comporte comme le héros d’À Rebours qui incruste une tortue de pierres précieuses, laquelle meurt bientôt en dégageant une puanteur affreuse : le contenu sadique anal originel n’a pas été modifié par l’éclat des brillants. Il n’y a sans doute pas de règle sûre pour discerner les productions artistiques de leurs contrefaçons perverses mais le style précieux, rococo, ampoulé qui cache l’objet ou la pulsion inavouée sous des qualités apparemment opposées, comme dans une formation réactionnelle, en est souvent l’indice. Il y en a d’autres comme la rationalisation qui sert de dorure intellectuelle à l’œuvre. Ainsi, les libertins de Sade ne manquent-ils jamais de philosopher dans le boudoir, d’orner de quelques théories philosophiques leurs exactions. Et on se souvient que les commentateurs de Sade dans les années 1960-1970 semblaient participer de la même illusion perverse. Sans avoir dénoncé tout à fait explicitement cette coïncidence, Janine-Chasseguet Smirgel (1984) la suggérait fortement dans ses travaux sur l’éthique et l’esthétique de la perversion : à deux époques de dissolution des liens de filiations symboliques le discours pervers pouvait avoir libre cours sans susciter de répulsion.3

3. LE SINGE ET LE RÉPUBLICAIN

Le monde moderne est en effet le résultat d’une crise de la filiation symbolique véhiculée par la pensée des Lumières. La tradition est identifiée au préjugé, le modèle de la table rase, soit un imaginaire de la rupture radicale, prévaut en métaphysique comme en politique. En morale comme dans les mœurs est prônée l’idée d’un retour à la nature. À la Monarchie et à la société hiérarchique des ordres, inégalitaire en droit, succède une société fondée sur l’égalité juridique, qui ne se reconnaît plus collectivement comme l’héritière de celle qui la précède, et avec laquelle elle rompt violemment.

Le lien avec le passé, s’il continue évidemment d’exister, apparaît profondément modifié. Les vieux romains du Discours sur les Sciences et les Arts ne sont pas ceux de Corneille, ils n’incarnent plus les valeurs des pères qui doivent être dépassées, mais les valeurs que les pères dépravés ont abandonnées et qu’il appartiendra aux fils révolutionnaires de réincarner. Or, celui qui se perçoit comme l’héritier des générations précédentes confère au passé historique une fonction symbolique. Au contraire, celui qui se perçoit comme l’héritier d’un passé mythique entretient avec celui-ci une relation imaginaire. Le terme d’héritier, s’il convient à celui qui tente d’intégrer l’acquis des générations précédentes, qui provient de morts et d’une époque où il n’existait pas encore, est inadéquat pour décrire un lien de filiation imaginaire ; il s’agit plutôt d’une réincarnation qui fait l’économie du processus d’engendrement générationnel. Ce phénomène apparaît avec plus d’évidence encore à l’époque romantique, où les filiations imaginaires pullulent, qu’il s’agisse des réinventions d’époques passées qui ont la signification d’un paradis perdu, ou des filiations que se créent les poètes : « Suis-je amour ou Phébus, Lusignan ou Biron ? ». Le sujet romantique, dieu tombé qui se souvient des cieux, était déjà là avant que de naître. La coexistence du présent et d’un passé mythique entraîne une inversion des perspectives et un renversement des valeurs. Ce n’est plus le passé historique, hissé à un rang symbolique, qui sert d’étalon des valeurs aux productions du présent. Le passé historique, dévalué dans sa fonction symbolique, n’est réévalué qu’en tant qu’il paraît entretenir, en certains points, une relation d’analogie, avec le présent idéalisé, lieu de reviviscence de l’imaginaire.

Cette crise de la filiation est le sujet par excellence de la littérature romantique. Hippolyte Taine commentait ainsi le conflit de Rastignac :

Qui ne voit, à travers les détails qui constituent l’individu et font la vie, l’histoire abrégée du XIXe siècle, les combats d’un homme jeune, pauvre, ambitieux, capable, placé entre l’obéissance et la révolte, voyant d’un côté un père, « le Christ de la paternité », qui meurt sur un grabat infâme, trahi par ses filles et abandonné de tous ; de l’autre un bandit grandiose, le « Cromwell du bagne », muni de toutes les séductions que le génie, l’occasion et l’expérience peuvent amasser ? Et qui ne retrouve sous cette histoire particulière de notre siècle, l’histoire éternelle du cœur, l’Hamlet de Shakespeare, l’adolescent généreux ennobli par les caresses de la famille, qui tout à coup, tombé dans les bourbiers de la vie, suffoque, se débat, sanglote, et finit par s’y installer ou s’y noyer. (Taine 1880 : 71-72)

Le jeune homme moderne est face à un père symbolique déchu – l’agonie de Goriot est celle du monde ancien qui reposait sur la paternité – et à un père imaginaire pervers et séducteur. Mais, contrairement à Hamlet, le héros de roman n’éprouve pas de culpabilité et, au lieu de songer à venger son père, il ne pense qu’à en faire oublier le souvenir humiliant – rappelons-nous la honte de Lucien de Rubempré quand il lit le nom de Chardon au-dessus de la pharmacie d’Angoulème. Le jeune homme moderne est à la fois un artiste, « enfant sublime » et inspiré qui rejette la tradition et croit à son originalité foncière, et un envieux qui pour parvenir devient – comme Julien Sorel ou Lucien Chardon – un imposteur. Laissons Baudelaire évoquer ce jeune homme quand il embrasse la carrière artistique :

Un de mes amis, qui est en même temps mon éditeur me pria de lire ce livre, affirmant que j’y trouverais plaisir. Je n’y consentis qu’avec une extrême répugnance ; car on m’avait dit que l’auteur était un jeune homme, et la Jeunesse, dans le temps présent, m’inspire par ses défauts nouveaux, une défiance déjà bien suffisamment légitimée par ceux qui la distinguèrent en tous temps. J’éprouve, au contact de la Jeunesse, la même sensation de malaise qu’à la rencontre d’une camarade de collège oubliée, devenu boursier, et que les vingt ou trente années intermédiaires, n’empêchent pas de me tutoyer ou de me taper sur le ventre. Bref, je me sens en mauvaise compagnie. (Baudelaire 1976b : 182)

Le malaise baudelairien provient de l’égalitarisme qui s’insinue dans les manières en déniant la différence des générations, et qui témoigne ainsi d’un refus profond de la reconnaissance des filiations symboliques : « Ce qui […] caractérise nettement [cette Jeunesse] : c’est une haine décidée, native des musées et des bibliothèques ». Elle n’admet comme classiques que ceux qu’elle parvient à transformer en double d’elle-même : « Ce n’est pas dans ses nobles attitudes qu’elle s’appliquera à imiter [Alfred de Musset] mais dans ses crises de fatuité, dans ses fanfaronnades de paresse, à l’heure, où, dans des dandinements de commis-voyageur, un cigare au bec, il s’échappe d’un dîner à l’ambassade, pour aller à la maison de jeu, ou au salon de conversation » (Baudelaire 1976b : 183). Baudelaire percevait-il en écrivant ces mots à quel point il serait lui-même l’objet de pareilles singeries – le pourfendeur de la  fatuité moderne est devenu l’idole des enthousiastes de la modernité ; le contempteur des paradis artificiels, le poète maudit qui cherche l’inspiration dans les drogues – témoignant de la durabilité de la perversion du processus identificatoire ?

À la haine décidée et native du passé, s’en ajoute une autre, celle de « la force et la souveraineté du génie ». Ces jeunes gens ne haïssent pas seulement leurs aïeux mais ceux qu’ils devraient légitimement reconnaître comme leurs maîtres. C’est pourquoi Baudelaire associe dans une analogie, le révolutionnaire – le républicain qui veut exercer la liberté politique – et l’artiste ignorant, qui veut la liberté artistique :

Avez-vous éprouvé, vous tous que la curiosité du flâneur a souvent fourrés dans une émeute, la même joie que moi à voir un gardien du sommeil public, – sergent de ville ou municipal, la véritable armée, – crosser un républicain ? Et, comme moi, vous avez dit dans votre cœur : « Crosse, crosse un peu plus fort, crosse encore municipal de mon cœur ; car en ce crossement suprême je t’adore, et je te juge semblable à Jupiter, le grand justicier. L’homme que tu crosses est un ennemi des roses et des parfums, un fanatique des ustensiles ; c’est un ennemi de Watteau, un ennemi de Raphaël, des beaux-arts et des belles lettres, un ennemi acharné du luxe, iconoclaste juré, bourreau de Vénus et d’Apollon. Il ne veut plus travailler, humble et anonyme ouvrier, aux roses et aux parfums publics ; il veut être libre l’ignorant, et il est incapable de fonder un atelier de fleurs et de parfumeries nouvelles. Crosse religieusement les omoplates de l’anarchiste.

Ainsi les philosophes et les critiques doivent-ils impitoyablement crosser les singes artistiques, ouvriers émancipés, qui haïssent la force et la souveraineté du génie. (Baudelaire 1976c : 490)

La revendication de liberté interdit aux artistes d’être des écoliers. L’individualisme démocratique a provoqué la disparition des Écoles. S’il reste des maîtres comme Ingres ou Delacroix, ils ne sont plus, en ces temps où « chacun veut régner » des chefs incontestés, et n’exercent qu’une influence lointaine sur des individus qui ne sont pas toujours capables de les comprendre. Il en résulte un paysage hétéroclite :  

[…] tohu-bohu de styles et de couleurs, cacophonie de tons, trivialités énormes, prosaïsme de gestes et d’attitudes, noblesse de convention, poncifs de toutes sortes, et tout cela visible et clair, non seulement dans les tableaux juxtaposés, mais dans le même tableau : bref, [une] absence complète d’unité, dont le résultat est une fatigue effroyable pour l’esprit et pour les yeux. (Baudelaire 1976c : 490-491)

Une des spécificités du XIXe siècle – en philosophie comme en art – est l’éclectisme. Or celui-ci n’est pas seulement absence d’unité mais aussi d’imagination. L’artiste éclectique, qui refuse d’obéir à un maître, se condamne à devenir un « singe ». La critique qu’adresse Baudelaire aux productions artistiques de son époque, critique constante et radicale depuis le salon de 1846 jusqu’à La Belgique deshabillée, rejoint celle de Tocqueville à l’égard des œuvres de la démocratie. Pour le sociologue, « l’aristocratie conduit naturellement l’esprit humain à la contemplation du passé et l’y fixe. La démocratie, au contraire, donne aux hommes une sorte de dégoût instinctif pour ce qui est ancien » (Tocqueville 1986 : 476-477). Il en ressort que l’art dans les sociétés aristocratiques, vise au permanent, au grand, à l’idéal, alors que dans les sociétés démocratiques « on cherche l’élégant et le joli, on tend moins à la réalité qu’à l’apparence » (Tocqueville 1986 : 462). Ainsi, de loin les riches demeures près de New York ressemblent à des petits palais de marbre blanc, mais de près on constate que les murs sont en briques blanchies et les colonnes en bois peint. Par des voies diverses, le sociologue et le poète critique constatent une tendance à la contrefaçon chez l’homme démocratique. Ne voulant pas se soumettre à la férule des maîtres, les artistes modernes n’ont pas pu les intégrer et sont contraints à les contrefaire. Partout, l’imitateur de l’imitateur trouve ses imitateurs. Mais les nouveaux artistes satisfont en ceci les motivations inconscientes d’une foule qui ressent le génie comme un reproche et une insulte. L’« artiste à la mode » ne doit donc posséder que des qualités négatives, « ni génie ni savoir […] rien de supérieur, rien d’impertinent, rien qui empêche la foule de se mettre de niveau avec lui et de le traiter conséquemment de pair à compagnon » (Baudelaire 1976a : 156-157). Etant donné l’éclectisme du goût, il pourra être un imitateur de la Bohème romantique – ne jurant que par l’inspiration et dédaignant le travail – comme Hégésippe Moreau qui « singea plus d’une fois les attitudes fatales des Antony et des Didier, mais [qui y] joignit ce qu’il croyait une grâce de plus, le regard courroucé et grognon du démocrate » (Baudelaire 1976a : 158). Il sera alors plaint pour ses malheurs : « maint homme médiocre peut prétendre, sans trop de ridicule à s’élever aussi haut qu’Hégésippe Moreau, et s’il est malheureux se trouve naturellement intéressé par l’exemple de celui-ci à prouver que tous les malheureux sont poètes », ou au contraire le plus plat des techniciens, celui qui prend pour modèle non David, mais Troyon, le spécialiste des animaux de la ferme dont la vache paissant est le sujet de prédilection, qui « peint, et […] bouche son âme, et […] peint encore, jusqu’à ce qu’il ressemble enfin à l’artiste à la mode, et que par sa bêtise et son habileté, il mérite le suffrage et l’argent du public » (Baudelaire 1976d : 613). Autant parce qu’il flatte la foule que parce que le public le flatte en payant « magnifiquement [ses] indécentes petites sottises » (Baudelaire 1976d : 612), l’artiste moderne est un « enfant gâté ».

Mais le mal peut aller plus loin. En témoigne l’enthousiasme pour la photographie qui justifie a posteriori dans le Salon de 1859, l’analogie du républicain et de l’artiste sans imagination du Salon de 1846. Baudelaire « ne croit pas » ou plutôt « ne veut pas croire » – ce qui est en soi un aveu – que l’industrie et l’art, la poésie et le progrès puissent être durablement confondus. Si tel était le cas, cela signifierait la victoire d’une « stupide conjuration » : « Comme l’industrie photographique était le refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués ou trop paresseux pour achever leurs études, cet universel engouement portait non seulement le caractère de l’imbécillité, mais avait aussi la couleur d’une vengeance » (Baudelaire 1976d : 618). La victoire de la copie, de la reproduction, de la contrefaçon, sur l’art réalise la finalité même de l’envie ; la destruction du beau, par le biais d’un progrès purement matériel, consacrant ainsi le triomphe des fanatiques des ustensiles sur les amoureux des fleurs et des parfums, tout en flattant le narcissisme de la foule : « À partir de ce moment la société immonde se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal. Une folie, un fanatisme extraordinaire s’empara de tous ces nouveaux adorateurs du soleil » (Baudelaire 1976d : 617).

Les critiques, souvent gênés à la lecture d’une telle stigmatisation de la photographie, s’empressent de rectifier le contre sens éventuel que pourrait effectuer un lecteur naïf, en signalant que Baudelaire ne rejette pas toute la photographie – comment pourrait-il rejeter un art si essentiellement moderne ? – mais ces seules étranges abominations que constituent les tableaux vivants. Certes, un amateur d’eaux-fortes comme Baudelaire ne saurait être tout à fait insensible aux beaux tirages photographiques, cela va de soi. Mais c’est là un truisme qui minimise la portée philosophique de la condamnation baudelairienne, à prendre d’autant plus au sérieux qu’elle émane d’un homme dont le goût des images est la primitive passion. L’exemple des tableaux vivants vient signifier la mort de la peinture d’histoire, déjà annoncée par la perte de l’imagination qui accompagne l’art réaliste et dont la photographie de drôlesses et de bouchers en tenue de carnaval n’est que le sinistre aboutissement. Mais l’autre exemple est plus essentiel encore :

Peu de temps après, des milliers d’yeux avides se penchaient sur les trous du stéréoscope comme sur les lucarnes de l’infini. L’amour de l’obscénité, qui est aussi vivace dans le cœur de l’homme que l’amour de soi-même, ne laissa pas échapper une si belle occasion de se satisfaire. Et qu’on ne dise pas que les enfants qui reviennent de l’école prenaient seuls plaisir à ses sottises ; elles furent l’engouement du monde. J’ai entendu une belle dame, une dame du beau monde, non pas du mien, répondre à ceux qui lui cachaient discrètement de pareilles images, se chargeant d’avoir de la pudeur pour elle : donnez-toujours ; il n’y a rien de trop fort pour moi. » Je jure que j’ai entendu cela ; mais qui me croira ? (Baudelaire 1976d : 617)

Ce que Baudelaire perçoit dans la photographie – en tant qu’aboutissement ultime du réalisme – et débouchant sur l’obscénité, la pornographie, c’est l’incitation à la désublimation. Le goût des images est la sublimation de la pulsion scopique originaire ; l’amour de l’obscénité, aussi puissant que l’amour de soi-même, c'est-à-dire le pulsionnel aussi puissant que le narcissique, témoigne du mouvement inverse : non du mouvement qui s’élève de la pulsion à l’image, à la représentation, mais qui régresse de la représentation à la pulsion. Nous retrouvons pour finir le débat entre Aristote et Platon, toujours aussi vivant. Si la représentation est transfiguration par l’imagination, Aristote a raison : il n’y a aucun danger mimétique attaché à la mimésis, celle-ci est morale en tant qu’elle nous élève, nous incite à la sublimation. Si au contraire, la représentation est pure reproduction – ou idéalisation des pulsions, art de la flatterie –, la condamnation platonicienne n’est pas injustifiable.

En lisant l’intitulé de votre thématique de recherche : les filiations symboliques, intitulé qui tranche si fortement avec les discours de la rupture, de la césure, de l’écart, de la tension, de la subversion qui caractérisent le monde contemporain, je me suis demandé si votre intention n’était pas d’en affirmer la nécessité par un volontarisme analytiquement orthodoxe. Je suis allé jusqu’à imaginer une finalité sourdement anti-moderne. En cela, j’infectai sans doute, comme le disait Montaigne, de mon propre venin, votre matière innocente. Et pourtant, peut-on véritablement vouloir occuper durant quatre années un groupe d’universitaires à la recherche des filiations sans éprouver le soupçon que les liens symboliques sont quelque peu menacés ?

Références bibliographiques

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Zola, Emile (1983). L’œuvre. Ed. Henri Mitterand. (=Folio), Paris : Gallimard.

Notes

1 Sur l’envie dans le roman de Zola, voir Wilhelm (2005b). Retour au texte

2 Zola décrit le phénomène d’identification projective dans L’œuvre. Claude, à force d’humilier son épouse en lui décrivant les signes visibles de son vieillissement, parvient à lui faire éprouver de l’envie à l’égard d’elle-même. Ainsi c’est son épouse, Christine, qui porte sa propre envie à l’égard de la féminité : « Quelle était donc cette nouvelle invention, de l’accabler avec sa jeunesse, de souffler sur sa jalousie, en lui donnant le regret empoisonné de sa beauté disparue ? Voilà qu’elle devenait sa propre rivale, qu’elle ne pouvait plus regarder son ancienne image, sans être mordue au cœur d’une envie mauvaise » (Zola 1983 : 291). Retour au texte

3 Sur la différence entre sublimation et idéalisation des pulsions, voir Chasseguet-Smirgel (1971). Retour au texte

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Référence électronique

Fabrice Wilhelm, « Envie et déni des liens de filiations », Filiations [En ligne], 1 | 2010, publié le 23 novembre 2010 et consulté le 29 mars 2024. DOI : 10.58335/filiations.76. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/filiations/index.php?id=76

Auteur

Fabrice Wilhelm

Maître de conférences en littérature française, Université de Haute-Alsace – Fabrice.Wilhelm [at] uha.fr

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