Alain Krivine, Ca te passera avec l'âge, Paris, Flammarion, 2006, 400 p.

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Trotskysme

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Alain KRIVINE, Ca te passera avec l'âge

Alain KRIVINE, Ca te passera avec l'âge

Contrairement à son camarade D. Bensaïd, A. Krivine, plus porté sur l'action que sur la théorie, a relativement peu manié la plume, en dehors de la presse de la LCR, ses seuls ouvrages étant La farce électorale en 1969, Questions sur la révolution en 1973, Les chemins de la révolution en 1977 (en fait des entretiens avec Fred Zeller) et Mai si ! en 1988, avec Bensaïd, justement.

Comme son camarade de génération G. Filoche voici quelques années, il livre ici ses souvenirs, et reconstitue son itinéraire avec un objectif clair : apporter sa contribution aux réflexions actuelles quant à la nécessité de la révolution et du renversement du capitalisme, et fournir un bagage intellectuel aux nouvelles générations militantes. C'est ainsi que l'on trouve des passages très vulgarisateurs sur la trahison de la révolution russe et le stalinisme, la révolution portugaise, la lutte contre le projet de Constitution européenne, le soutien de la LCR aux luttes du peuple kanak1, les nouveaux mouvements de gauche en Amérique latine depuis une dizaine d'années ou la IVème Internationale, dont Alain Krivine salue l'apport tout en espérant la création d'une Vème Internationale.

Né dans une famille juive – il raconte son émotion en découvrant, enfant, le matricule tatoué sur l'avant-bras de sa tante Zina, rescapée d'Auschwitz et nous fait part de son enthousiasme pour les exploits des FTP-MOI – A. Krivine passe d'abord par la nébuleuse du PCF avant de rallier le mouvement trotskyste via Jeune Résistance. Outre des doutes sur la réalité soviétique lors d'un voyage à Moscou, l'élément décisif de sa mutation fut le désir de lutter concrètement pour l'indépendance de l'Algérie, alors que la direction du PC expliquait le vote des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet en 1956 par la volonté « de ne pas se couper des socialistes et de la gauche, pour leur donner toutes les chances de faire la paix ». Malheureusement, passés les événements de 68, A. Krivine s'attarde moins sur son itinéraire, son action précise au sein de la LC puis de la LCR, préférant braquer le projecteur sur certains terrains de lutte qu'il juge particulièrement importants : la lutte au sein de l'armée, la dissolution de la Ligue en juin 1973, la révolution portugaise, l'aventure de Rouge quotidien ou les différentes élections présidentielles, sans oublier l'essor d'Olivier Besancenot…

On apprend toutefois des choses quant à ses deux passages en prison, lui-même n'ayant échappé aux jugements que grâce aux amnisties présidentielles ; de même, ses descriptions des coulisses du fonctionnement du Parlement européen sont savoureuses ! Par ailleurs, il évoque certaines figures qui l'ont particulièrement marqué, Pierre Goldman, François Maspero, Gilles Perrault ou Simone Signoret2, ainsi que certaines rencontres, celle avec Lionel Jospin à la veille du succès de la gauche en 1997 étant sans doute une des plus intéressantes au vu de la réaction de l'intéressé, témoignant de la prégnance de son passage à l'OCI... A. Krivine fait même quelques retours critiques sur le passé de son organisation : ainsi, au sujet du Programme commun, il trouve « très sévère » la condamnation d'alors de la Ligue. Il pense que si les mesures proposées «avaient été appliquées dans leur totalité, elles auraient conduit, obligatoirement, à une épreuve de force avec le patronat » (p.186). Sur LO, sans taire ses critiques, il ne pense pas que l'organisation puisse être qualifiée de secte. Jugement sincère ou volonté de préserver la possibilité de certaines alliances futures ? Par contre, rien n'est dit sur l'OCI-CCI du PT, à peine cité au détour d'une page…

Un livre qui sert avant tout de moyen de transmission d'un héritage aux jeunes générations, comme le prouve amplement toute la dernière partie sur l'actualité des luttes, à la manière des ouvrages de Besancenot, avec qui il partage un style simple et sans fioriture.

Notes

1 On apprend au passage « qu'il n'y a jamais eu un seul kanak membre de la LCR ou de la IVe Internationale », même si dans certaines tribus, des articles de Rougesont parfois affichés. Retour au texte

2 Il donne quelques renseignements précis sur la proximité de nombreux artistes avec ce milieu militant, la garantie financière apportée par Michel Piccoli ayant permis à la LCR de se doter d'une imprimerie pour publier le quotidien Rougeen 1976. Retour au texte

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Référence électronique

Jean-Paul Salles et Jean-Guillaume Lanuque, « Alain Krivine, Ca te passera avec l'âge, Paris, Flammarion, 2006, 400 p. », Dissidences [En ligne], 2 | 2011, . URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=183

Auteurs

Jean-Paul Salles

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