Olivier Piot, L'extrême gauche, Paris, Éditions Le cavalier bleu, 2008, 192 p., préface de Pef (Idées reçues / Grand angle).

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Trotskysme

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Sous une couverture qui rappelle furieusement celle du récent ouvrage collectif La France des années 1968 chez Syllepse, l'intéressante collection « idées reçues » propose une synthèse sur l'extrême gauche, rédigée par le journaliste Olivier Piot (ancien du Monde dans les années 90, il est actuellement rédacteur en chef des Clefs de l'actualité ). é crite dans un style extrêmement vulgarisateur, avec quelques extraits occasionnels de textes importants (livre de John Reed sur Octobre, Programme de transition, textes de Marx et Engels, etc…), son point de départ typologique consiste à prendre en compte les organisations qui « (…) prônent le renversement du capitalisme par la révolution » (p.9)1. Contrairement à d'autres auteurs -Cosseron en particulier-, ni l'altermondialisme ni les Verts (curieusement rangés chez les sociaux-démocrates) ne sont donc pris en compte.

Pas de verve assassine ici, plutôt un intérêt proche de l'empathie et une volonté sincère et honnête de réhabiliter l'extrême gauche face à bon nombre de commentateurs médiatiques, ce dont témoigne également la préface solidaire de Pef… au risque sans doute d'endosser un peu rapidement certains points de vue politiques manquant de nuance2. L'absence de communisme criminogène est toutefois à souligner, et on peut penser que le grand public pourra globalement en tirer une meilleure appréhension et compréhension de l'extrême gauche, particulièrement sur des questions comme « les organisations trotskystes ne sont pas démocratiques », « les militants d'extrême gauche sont coupés de la réalité » ou « la « dictature du prolétariat » est incompatible avec la démocratie ». Néanmoins, si toutes les composantes de l'extrême gauche sont citées, seuls les trotskystes, pour lesquels l'auteur semble fort avoir une préférence personnelle, ont droit à une sous partie spécifique, les autres subdivisions étant dédiées à l'histoire, aux conceptions politiques défendues et à l'avenir de l'extrême gauche.

Par ailleurs, des erreurs, des oublis ou des simplifications affectent la qualité du livre. Ainsi, sans citer toutes les fautes de détail, le lecteur aura l'impression que de Barta à Lutte ouvrière actuelle, il y a une stricte continuité (tout comme entre le PCI unifié de 1944 et celui de Molinier et Frank dix ans auparavant), que Socialisme ou Barbarie était le seul groupe issu du trotskysme dans l'après-guerre à remettre en cause la notion d' é tat ouvrier bureaucratiquement dégénéré (p.38), que l'UCI était la seule organisation trotskyste d'importance à critiquer l'orientation guévariste (oubliant ou déformant les positions de l'OCI), tandis que l'importance de l'anticolonialisme dans la formation des organisations maoïstes n'est pas abordée (aucun des groupes s'en réclamant actuellement n'est d'ailleurs cité)... Quant aux communistes de gauche ou « ultra gauches », Olivier Piot les ignore superbement3, quand bien même les limites quantitatives imposées au livre pouvaient brider le propos.

En outre, si bon nombre de questions posées sont judicieuses, il manque toutefois certaines « idées reçues », ainsi sur l'entrisme des trotskystes, sur la composition sociologique des organisations d'extrême gauche ou sur les positions du POI, plutôt négligé comparativement à la LCR et à LO. D'autres points de vue peuvent inviter au débat, ainsi de l'espoir d'une unité des trotskystes évoqué en conclusion ou de l'opinion selon laquelle « (…) de toutes les expériences qui se sont réclamées au XXe siècle du marxisme, seule la révolution russe de 1917 peut être considérée comme une révolution authentiquement communiste » (p.154). Enfin, s'agissant de sa bibliographie, elle apparaît comme trop partielle : des auteurs y figurent à foison (Bourseiller, cité pour trois livres), d'autres sont excessivement encensés (Jean-Jacques Marie pour son Le Trotskysme et les trotskystes , certainement pas son meilleur ouvrage, ou le Dictionnaire de Serge Cosseron, « Sans doute la meilleure synthèse actuelle sur l'extrême gauche française et l'histoire des organisations et courants qui la composent » , pp.189-190 [sic]), et, osons le dire, pas un mot du collectif Dissidences et du travail de ses membres depuis une dizaine d'années… Un ouvrage salutaire, vulgarisation très abordable, bien que perfectible.

Notes

1 Nous nous permettons à ce propos de renvoyer à notre propre essai typologique, esquissé à l'occasion de la critique d'un ouvrage de Christophe Bourseiller : http://www.dissidences.net/mouvement_communiste_divers.htm#bourseiller Retour au texte

2 « Lors de la révolution d'octobre 1917, les ouvriers russes organisés en conseils (les soviets) prenaient le pouvoir » , p. 25. Retour au texte

3 Au point d'écrire que « (…) seul le courant trotskyste est, dans l'extrême gauche actuelle, fondé à revendiquer une filiation rigoureuse avec le marxisme. » , p. 47. Retour au texte

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Référence électronique

Jean-Guillaume Lanuque, « Olivier Piot, L'extrême gauche, Paris, Éditions Le cavalier bleu, 2008, 192 p., préface de Pef (Idées reçues / Grand angle). », Dissidences [En ligne], 2 | 2011, . URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=195

Auteur

Jean-Guillaume Lanuque

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