Les Quatre saisons de Léon et Jean de l’Ours : entre conte et film d’animation, questions de transmission et de réception

  • The Quatre saisons de Léon and Jean de l’Ours: Between Fairy Tale and Animation, Questions of Transmission and Reception

Résumés

P.-L. Granjon et A. Lanciaux ont réalisé Les Quatre saisons de Léon, film d’animation composé de quatre parties distinctes (quatre films de 26 mn), le dernier est sorti en octobre 2012 : L’Automne de Pougne. Ils complètent ainsi une « “collection” » : L’Hiver de Léon, Le Printemps de Mélie Pain d’Epice, L’Eté de Boniface, qui met en scène Léon, le fils d’un ours et ses compagnons : une princesse (Mélie), un conteur-bonimenteur (Boniface) et le hérisson Pougne, qui tombe amoureux de Mélusine, ainsi qu’un autre camarade : l’éléphant Hannibal. L’histoire est située dans un temps ancien (Moyen-Age). Elle fait pour l’essentiel référence, comme l’a signalé A. Lanciaux dans une interview, au conte « Jean de l’ours » (AT 301B : The Strong Man and his Companions), l’un des plus connus dans maintes régions de France et dans le monde (AT 301 : The Three Stolen Princesses). On peut repérer des épisodes et des motifs, tels que la descente dans le puits. Il s’agit d’approcher le contage (en mots, écrits ou oraux, en images animées) comme art de la variation, de voir comment de nouveaux contextes et de nouveaux media opèrent.

P.-L. Granjon and A. Lanciaux are the co-creators of Leon’s animated stories, an animated film, that is divided in four distinct parts or short films (26 mn), the latest released in october 2012 : Poppety in the fall. They are so completing a « collection » : Leon in Wintertime, Molly in Springtime, Bonifacio in Summertime, which features Leon, a bear’s son, and his companions : a princess (Molly), a storyteller & liar (Bonifacio) and the hedgehog Poppety, who falls in love with Melusine, and another friend : the elefant Hannibal. The whole story takes place in the old time of one magic realm (Middle Ages). It’s mainly based, as A. Lanciaux told it in an interview, on the fairytale Jean de l’Ours (AT 301B : The Strong Man and his Companions), one of the most famous in many regions of France and in the world (AT 301 : The Three Stolen Princesses). We can identify episodes and motifs like the descent into the well. My aim here is to examine how to approach the storytelling (with words, oral or written, pictures and movies), as art of variability, how new contexts and new media are working.

Plan

Texte

Le 24 octobre 2012 paraît sur les écrans « L’Automne de Pougne » (26 mn, « animation de marionnettes ») de Pierre-Luc Granjon et Antoine Lanciaux, dernier volet d’un quatuor, « Les Quatre saisons de Léon », dont les précédents épisodes ont été bien accueillis : « L’Hiver de Pougne » (2008), « Le Printemps de Mélie » (2009), « L’Eté de Boniface » (2011). Les deux réalisateurs parachèvent ainsi une collection qui tisse un véritable hommage au conte traditionnel « Jean de l’ours ». Encore faut-il avoir gardé en mémoire ce récit initiatique si présent dans le patrimoine oral et immatériel de l’humanité. Or rien dans le discours critique qui accompagne la sortie du quatrième opus ne laisse transparaître la moindre trace d’un quelconque Jean de l’Ours. Comment expliquer ce silence ? Le hasard d’une commande du CRDP de Lyon axée sur l’art du conte et la figure du conteur à travers ce qui est en train de devenir « Les Quatre saisons de Léon » m’amène donc à vivre une expérience de collision analogue à celle que rapporte Vivian Labrie, anthropologue québécoise elle aussi spécialiste de littérature orale (2005). Moi-même anthropologue et comparatiste, attachée aux « Contes maghrébins en situation interculturelle » (1995), je ne m’embarque heureusement pas seule dans l’aventure. Jeanne Drouet, alors Jeune Chercheure en fin de doctorat côté Anthropologie visuelle (CREA, Université Lyon 2) s’intéresse elle directement à la performance contée (Drouet, 2013) : nous nous attelons toutes deux à l’élaboration d’un webdocumentaire d’accompagnement pédagogique dont la sortie est prévue en même temps que celle du quatrième épisode. Pour cela nous rencontrons les deux réalisateurs le temps d’un tournage dans la tour médiévale de Crest. Nous allons pouvoir valider, avec eux, l’hypothèse de cet « appareillage », pour reprendre les mots de Vivian Labrie, à la faveur d’un dialogue avec deux conteuses de tradition orale, Mariette Vergne et Claire Granjon. L’interview conduit par Jeanne Drouet offre une confrontation dans le vif de la parole entre deux arts de la monstration qui ont ensemble une longue histoire passant largement leurs frontières : on ne compte plus les Cendrillons, Barbes-Bleus, Petits Chaperons rouges, Belles et Bêtes etc. qui circulent ici ou là (entre littérature, théâtre, danse, arts visuels, cinéma etc.) et où puisent abondamment les réalisateurs multimédia. Avec un recul de presque trois années jalonnées par la distribution de divers produits réalisés dans une dynamique d’achèvement de la collection, je voudrais ici questionner cet exemple singulier de la « mise ensemble » du conte et du film, interroger les processus de transmission d’une œuvre à la lisière des deux arts. Comment appréhender les phénomènes de continuité et de rupture dans les chaînes de transmission culturelle qu’ils donnent à voir ? Comment, pour reprendre les termes d’Olivier Morin (2011), les traditions naissent-elles et meurent-elles ? Quelles accélérations, quels brouillages au temps du numérique ? Comme le souligne Umberto Eco (1994 : 25), « nous savons très peu de choses sur le rôle de la réception dans l’univers de l’art et dans celui des mass media ». Quels partenariats imaginer pour approcher un champ où les incertitudes vont grandissant ? Il s’agira ici moins d’apporter des réponses que de susciter un questionnement et peut-être des désirs de recherche. Pour cela, je partirai de mon domaine d’études propre (la variabilité du conte saisi en migration), assumant les limites et ouvertures liées à un parcours de recherche mené entre les langues et les cultures, sur les chemins du conte, jusqu’à la construction d’un site prototype : « Collectifconte » élaboré en équipe (chercheurs, conteurs, réalisateurs) en lien avec l’ISH de Lyon (http://collectifconte.ish-lyon.cnrs.fr/index_fr.php). Ces précautions prises, il est temps de commencer l’enquête, de suivre le plus scrupuleusement possible les traces de l’Ours, d’entrer dans un jeu de pistes, d’en scruter les effets de miroir.

1. Sur les traces de l’Ours : premiers éléments d’enquête

1.1. « Jean de l’ours » : première approche du conte

Le conte merveilleux, dont les réalisateurs reconnaissent s’être inspirés, « Jean de l’Ours » (conte-type 301 B selon la classification d’Aarne et Thompson) présente une dimension épique et se rattache aux grandes mythologies de l’ours. Il figure en bonne place, avec d’abondantes annotations, dans les grandes collectes françaises des XIXe et XXe siècles. Signalons ici Cosquin (Lorraine), Joisten (Dauphiné), Fabre et Lacroix (Provence et Languedoc), Maugard (Pyrénées). On le trouve également en Russie, en Hongrie, dans des pays qui ont connu l’ours brun (Delarue, 1985). Chez les frères Grimm, il se dissimule sous le titre « Hans der Starke » (« Hans-le fort », n° 166) : Hans n’est pas le fils d’un ours, mais un jeune garçon enlevé par des brigands avec sa mère, qui lui racontait des histoires et lui a appris à lire dans un vieux livre de chevaliers trouvé dans la caverne où ils étaient enfermés, - singulière transformation de la filiation de l’ours.

Récit initiatique par excellence, il met tout d’abord en scène le plus souvent le rapt d’une jeune femme par un ours : de leur union naît un garçon à la force exceptionnelle, mi-homme mi-ours, digne avatar d’Hercule ou de héros et géants bien connus (Siegfried, Pantagruel – fils de Gargantua - né lui aussi velu comme un ours, comme le rapporte Rabelais). Le conte commence à la façon d’un récit d’enfance, puis vient l’errance avec des compagnons extraordinaires, doués eux aussi d’une force peu commune, et la descente dans le monde souterrain où se trouve la princesse (ou trois princesses) à délivrer. Seul le héros aura le courage d’accomplir cet exploit et saura faire reconnaître sa vaillance, en s’opposant triomphalement à des compagnons qui l’ont trahi (abandon au fond du puits). Le motif de la remontée du puits sur le dos de l’aigle est l’un des plus répandus dans le cycle des contes dits héroïques qui mettent en jeu des tueurs de dragons (AT 300-359 et 650-699).

Dans son ouvrage dont la version tzigane fait le titre « Miklós-fils-de-jument » (1991 : 71-90), Veronika Görög-Karady signale la prédilection de son informateur pour ce conte dont elle a recueilli cinq versions différentes (trois en langue tzigane, deux en langue hongroise entre autres contes héroïques destinés en priorité aux adultes).

1.2. Une entrée dans le conte et dans le film par les synopsis sources (Studio Folimage)

Les synopsis sources ne nous guident guère, mais livrent cependant quelques premiers indices. Le Studio Folimage, dans un dossier de presse accessible en ligne (http://www.folimage.fr/fr/), présente ainsi, au moment de la sortie de l’opus 4, ce qui est devenu, d’un film à l’autre (2008-2012), selon le mot des réalisateurs, un « quadriptyque » :

1, 2, 3… Léon : VIGNETTE/AFFICHE 1

Studio Folimage : http://www.folimage.fr/fr/production/les-quatre-saisons-de-leon-120.htm

L’hiver s’abat sur le royaume et l’ogre des montagnes enlève la belle princesse Mélie Pain d’Epice. Léon, un jeune ours adopté par un couple d’apiculteurs, fugue et tombe entre les mains de Boniface, le faiseur d’histoires. Léon sauvera-t-il la princesse des griffes de l'ogre?

4, 5, 6… Mélie pain d’épice : VIGNETTE/AFFICHE 2 VIGNETTE/AFFICHE 2

Studio Folimage : http://www.folimage.fr/fr/production/les-quatre-saisons-de-leon-120.htm

Au royaume de Balthazar, les célébrations de la fête du printemps ont à peine commencé que la cité est menacée par une terrible épidémie. La princesse Mélie, désignée reine du carnaval, mène alors l’enquête en compagnie de Mélusine la hérissonne et découvre que l’eau de la cité a été empoisonnée !

7, 8, 9… Boniface : VIGNETTE/AFFICHE 3

Studio Folimage : http://www.folimage.fr/fr/production/les-quatre-saisons-de-leon-120.htm

Au petit royaume d’Escampette, Boniface le conteur vit une histoire d’amour avec la reine Héloïse. Alors qu’il vient tout juste de demander celle-ci en mariage, voilà qu’arrive la princesse Mélie, la fille d’Héloïse… Et comme c’est les vacances d’été, elle n’est pas venue seule ! Mais avec tous ses amis…

10, 11, 12… Pougne le hérisson : VIGNETTE/AFFICHE 4

Studio Folimage : http://www.folimage.fr/fr/production/les-quatre-saisons-de-leon-120.htm

Tous les livres du royaume se vident étrangement de leurs histoires. Aussitôt, le bon roi Balthazar s’ennuie à mourir, entrainant avec lui son peuple tout entier dans une profonde déprime. « Ça, c’est encore de la faute de Boniface le conteur ! » lance Pougne le hérisson grognon. Mais comment peut-il en être si sûr ? Pougne et ses amis réussiront-ils à faire revenir les histoires au royaume de Léon ?

Tout connaisseur de littérature orale a immédiatement tous les sens en éveil.

1.3. Premiers indices de reconnaissance

La Saison 1 nous plonge de fait dans l’univers du conte et de ce conte : un enlèvement de princesse, un héros annoncé, sous le nom de Léon, comme jeune ours adopté, dès la Saison d’hiver : saison propice aux fêtes de l’ours, de son entrée en hibernation à sa sortie pour le jour de la Chandeleur, fête célébrée encore aujourd’hui par de spectaculaires mises en scènes du rapt dans quelques villages pyrénéens. La Saison 2, saison du Carnaval si importante dans l’ethnofolklore de l’ours, embraye ici sur la promesse d’une intrigue quasi policière. La Saison 3 continue sur la lancée du roman d’aventures. Pas de compagnons extraordinaires, c’est Boniface, le conteur faiseur d’histoires, qui occupe l’emploi de l’opposant, aux côtés de l’ogre. Ravisseur de princesse dans la Saison 1, il se laisse ensuite deviner sous les traits du protagoniste attendu. Le revoici dans la Saison 4 sur un mode paradoxal, puisqu’il a disparu. « L’Automne de Pougne » s’ouvre sur une situation problème de tout autre nature, dans une sorte de méta-parodie du genre, puisqu’il s’agit de retrouver le conteur et, avec lui, toute la mémoire du monde. Aurait-on complètement perdu du même coup toute trace de l’ours ?

2. Détour par le conte-type : processus de transformation des thèmes et motifs

2.1. Quand Pougne mène la quête et l’enquête à son terme

La Saison 4 ménage bien des surprises. Pougne en effet va assurer une sorte de relais, se qualifiant comme le héros le plus apte à résoudre l’énigme, à aider à la révélation des secrets. Il a su garder en mémoire la chanson traditionnelle de la grotte toute ronde, celle que tous les hérissons se transmettent et qui lui ouvre le chemin conduisant dans le Ventre du monde où il trouvera toutes les réponses. Le hérisson incarne, dans un répertoire largement répandu dans le monde (Allemagne, Maghreb, Afrique noire etc.), l’intelligence, la débrouillardise, bien plus que le chacal, le lièvre ou le renard, autres rusés qui lui servent d’adversaires et de faire-valoir attitrés. Pougne est un hérisson, « c’est dégourdi, un hérisson », est-il dit dans le film, c’est aussi un ami fidèle. Il saura révéler à Léon Tête d’ours le mystère de sa naissance.

Il convient alors de mieux approcher les processus de migration et transmutation des thèmes et des motifs qui puisent directement dans le conte matrice. Il convient à cet effet d’utiliser l’outil qui embrasse le système de transformations non pas du conte, mais d’un conte spécifique approché au plus près de sa variabilité propre : le conte-type défini par Aarne et Thompson, repris par Hans-Jörg Uther dans la classification internationale qu’il a revue et augmentée, l’AT devenant l’ATU (2004). Uther en souligne ainsi l’utilité pour les chercheurs de toutes les disciplines, concernés par les traditions populaires et désireux d’engager un dialogue intertextuel dans une perspective historico-comparative :

Chaque conte-type est présenté ici par un nombre, un titre et un descriptif et doit être considéré comme non figé. Il ne s’agit pas d’une unité de mesure absolue et permanente ou d’un moyen de renvoyer à un matériau sans vie du passé. Au contraire, en tant que partie d’une dynamique plus vaste, il est adaptable et peut être intégré à de nouvelles compositions thématiques ou à de nouveaux médias. (Uther : 2005 : 227)

L’outil est d’autant plus précieux « quand change la matière » (pour reprendre la formule-titre d’Umberto Eco (2003 : 373-410), c’est-à-dire quand la transposition relève d’un travail de traduction intersémiotique. Sans entrer ici dans les polémiques parfois vives opposant comparatistes et folkloristes (Zipes, 2011 : 79-80), je m’appuierai également sur une expérience acquise à travers l’analyse de corpus collectés dans le contexte de l’immigration maghrébine en région lyonnaise (Decourt, 1995, 2010).

2.2. Descriptif de la trame narrative

Nous recourrons donc au descriptif du conte-type 301, « The Three Stolen Princesses » (ATU) dont l’ancienne forme B dans l’AT apparaît comme une variante structurelle de l’épisode introductif. Là où un vol de pommes d’or met le héros sur la trace d’êtres surnaturels (forme A), la forme B1 s’organise autour d’un rapt de femme et d’un désir d’enfant :

Un enfant à la naissance merveilleuse (ours/e, cheval/jument [B 631], né de larmes) grandit doté d’une force exceptionnelle [T615]. Il part à l’aventure (tenter sa chance) et s’allie à deux compagnons aux pouvoirs extraordinaires [F601]. Lorsqu’ils préparent leur repas, à deux reprises un petit homme (nain, diable, géant) gâte la nourriture (la mange et assomme le cuisinier) [F451.5.2]. Seul le héros est capable d’attraper et de punir le petit homme, qui montre alors aux compagnons l’entrée du monde souterrain. (Uther, vol.1 : 177)

La partie principale2 qui fait suite à l’épisode introductif, est commune aux différentes formes relevées par Aarne et Thompson et par Uther :

Les compagnons (frères) arrivent à un trou (puits, grotte) [F92], et y font descendre le héros (le plus jeune frère) [F96]. Le héros triomphe de monstres (dragons, diables) et sauve les (trois) princesses (avec l’aide de celles-ci, en usant d’une arme, avec sa seule force, par des moyens magiques) [R111.2.1]. (Les princesses lui donnent des présents). Les compagnons traîtres remontent les princesses, mais laissent le héros au fond [K1931.2] (coupent la corde [K963], renversent le panier). Ils obligent les jeunes filles à les désigner comme leurs sauveurs [K1933].

Le héros retourne dans le monde supérieur grâce à l’aide d’un esprit, qui lui donne la possibilité de voler (un oiseau qu’il doit nourrir avec sa propre chair [B322.1] ; il remonte en escaladant une plante qu’il a lui-même plantée, etc.). Les princesses retardent leur mariage (d’un an). Le jour du mariage, le héros vient au château et il est emprisonné. Mais la vérité est révélée (le héros est reconnu par les princesses lorsqu’il montre les présents [H80] et les imposteurs sont punis (bannis, mis à mort) [Q262]. Le héros épouse la plus jeune princesse [L161] et devient roi. (Uther, vol.1 : 177)

La lecture de ce canevas qu’il est possible de compléter rapidement, pour plus de précisions sur le conte populaire français, avec le catalogue de Paul Delarue et Marie-Louise Tenèze (1985), confirme les impressions premières de reconnaissance.

2.3. Un hommage filé au conte traditionnel

La Saison 1 prend tout à coup figure d’hommage particulièrement ludique au récit traditionnel. Comme Jean, Léon, avec sa tête d’ours qu’il ne peut cacher aussi facilement que ses pattes, est objet de moquerie. Comme Jean, il réussit à délivrer une princesse, à la sauver tant de l’ogre que de Boniface, qui ont remplacé le ou les dragons. Le conteur en effet, nous y reviendrons, se donne le rôle du traître, à l’instar des compagnons extraordinaires qu’il subsume à lui tout seul. Léon s’aide de sa canne à pêche pour sortir du puits. Cette canne, qui lui a été offerte par ses parents adoptifs, est un digne avatar de la canne de fer dont les versions traditionnelles déclinent à l’envi le poids faramineux : elle devient un auxiliaire magique (dans ses effets spéciaux), par opposition à la canne ou massue, qui marque la force herculéenne de Jean. Abandonné au fond du puits, Léon est secouru par les abeilles qui ont remplacé l’aigle pour le remonter à la surface. Il gagne sinon la main, du moins l’amitié de Mélie. Le spectateur averti peut se réjouir des traits d’humour dans l’art des réemplois jusque dans leurs menus écarts.

Le dialogue intertextuel rebondit avec la Saison 4 et les interrogations de Léon sur son origine. Qui sont ses parents biologiques ? Qui est sa mère, puisqu’il semble aller de soi qu’il a hérité d’un ours (et non pas d’une ourse) la tête et les pattes ? Le conte se termine par le récit de sa naissance qui lui est fait par Jeannette, sa propre mère enfin trouvée dans l’heureux dénouement qui conclut l’histoire de Léon, - une Jeannette dont le nom fait directement écho à Jean de l’ours.

Le titre officiel retenu dans le webdocumentaire réalisé par le CRPD de Lyon en partenariat avec le Studio Folimage pour la sortie du dernier opus, n’est-il pas « Les aventures de Léon » ? Si les Saisons intermédiaires ont pris une allure plus romanesque, le rythme n’en est pas moins donné d’un cycle en parfaite adéquation avec le grand folklore des traditions populaires : hiver, printemps, été, automne. L’ours, qu’il entre en hibernation ou en sorte, est fêté, il est lié de près à la sexualité, à la fécondité des femmes et de la terre (Van Gennep, Praneuf, Sébillot). La nature, l’eau, la forêt, omniprésentes, contribuent à la qualité esthétique et synesthésique de l’animation. Léon gardera à la fin sa tête d’ours qui lui va si bien : la marionnette porte une sorte de capuche stylisée qui est son attribut propre, signe d’une altérité assumée, tandis que les abeilles lui sont devenues épithète « icon’homérique », si l’on peut tenter un mot valise sous le régime de l’hybridité. Un réseau d’harmoniques se tisse donc en continu autour de l’ours et du miel - les parents adoptifs sont apiculteurs et s’appellent Martin, - nom souvent donné à l’ours, en écho au Saint réputé dompteur de l’animal (Pastoureau, 2007), la princesse s’appelle Mélie Pain d’épice (ce qui fait double écho, étymologique et gustatif, au miel), les abeilles jouent au fil des Saisons un rôle à la fois de liens, d’ornements et d’auxiliaires. La trame narrative serait squelette vide sans les images et jeux d’écho multi-sensoriels (sonores, visuels, olfactifs, gustatifs, auditifs) qui l’habitent et l’habillent dans la subtilité des interactions entre l’œuvre performée et ses publics potentiels.

3. « Sous un air de conte traditionnel… » : harmoniques en réseau

3.1. L’invention du quadriptyque

Le réemploi du récit traditionnel est paradoxalement à la fois affiché et masqué, comme en témoigne la fiche technique signée des réalisateurs qui accompagne « L’Automne de Pougne », - fiche diffusée par le Studio Folimage pour l’Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai. Ainsi présentent-ils le scénario des quatre épisodes qui composent la collection réunie dans le même DVD :

Nous avons souhaité clore ce quadriptyque en traitant une fois de plus un sujet toujours aussi peu exploré dans les films pour enfants : « la question du deuil », et plus largement l’importance des rituels qui s’y associent. Sous un air de conte traditionnel placé dans un contexte automnal moyenâgeux, nous avons bâti ce scénario autour de deux récits se déroulant parallèlement et convergeant l’un vers l’autre au final. Le premier récit raconte, sous la forme d’une aventure, une quête médiévale. La quête d’un objet sacré par un jeune héros téméraire (Pougne le hérisson). Le second récit, sorte de prolongement des volets précédents des aventures de Léon, aborde la question non résolue des origines de Léon, l’enfant ourson.

Pierre-Luc Granjon et Antoine Lanciaux ouvrent ainsi une pluralité de pistes qui contribuent tout autant à éclairer qu’à brouiller la tracée de « Jean de l’ours ». Du moins suggèrent-ils un protocole de lecture qui nous autorise à aller plus loin dans la question d’un jeu de la variation, du « remake », puisque film il y a. Comme le définit Umberto Eco (1994 : 15), le « remake » qui « consiste à raconter de nouveau une histoire qui a eu du succès », peut échapper à la simple répétition et produire une œuvre nouvelle, prenant alors statut de « pseudo-remake ». Il serait ici à distinguer du « retake », dans lequel « on recycle les personnages d’une histoire à succès dans un autre récit », ou de la « série », - cas de répétition souvent tributaires d’une décision commerciale dans les productions de masse. La formule du « flashback » (le récit final de Jeannette), nous y reviendrons, fonctionne à cet égard comme un procédé qui relève tant de l’oralité traditionnelle que du film. Il s’agit du motif H11.1 : « Recognition by telling life history » [Reconnaissance par le récit d’une histoire de vie], très présent notamment au Maghreb dans les contes mettant en scène une jeune femme calomniée par des belles-sœurs jalouses : c’est en racontant son histoire qu’elle révèle son innocence et déclenche la punition des coupables. Le silence des réalisateurs nous laisse donc disponibles pour laisser retentir des bribes de mémoire (bouts de comptines, fragments d’images, de récits) au gré de notre « habitus » narratif - selon le concept emprunté à Jack Zipes (2011 : 75), qui le tient lui-même d’Arthur Frank, influencé par Pierre Bourdieu (2010 : 53) - ou « répertoire d’histoires qu’au moins une personne peut reconnaître et qu’un groupe partage ».

3.2. Le Moyen-Age : un chronotope entre folklore et histoire

En choisissant le Moyen-Age comme cadre spatio-temporel (village et château fort) ou « chronotope » - si l’on déplace le concept de Mikhaïl Bakhtine (1978 : 237) de la littérature au cinéma -, les réalisateurs des Saisons exploitent une riche imagerie qui emprunte tout à la fois au folklore et à l’histoire, imagerie soutenue par d’abondantes publications pour la jeunesse.

Boniface, le conteur-bonimenteur, est aussi montreur d’ours, bateleur de foire (Saison 1), le Carnaval trouve là un ancrage favorable au jeu de l’ordre et du désordre : le vol de la couronne du roi, l’intronisation burlesque d’un roi Bidon (Saison 2). Le vol des pommes d’or (motif traditionnel de contes et autre épisode introductif du conte-type 301) est propice à des scènes de la vie villageoise (Saison 3). La meule de foin atteste les belles récoltes de la période des moissons. L’effet de distance requis par le genre merveilleux y trouve matière à des couleurs, des scénarisations et des animations selon une stylisation efficace. L’ambiance sonore (musique, chansons, ritournelles) fait lien.

La Saison 4 vient ajouter à tout ce qui précède le surgissement d’une matière celtique bienvenue : la compagne de Pougne est certes libraire, mais elle a nom Mélusine, la fée par excellence, mi-femme mi-serpent, personnage légendaire associé dans nos souvenirs au cycle arthurien et à l’enchanteur Merlin. La licorne appartient, elle, au bestiaire médiéval, la corne volée par Boniface devient l’objet affiché de la quête, sa restitution conditionne le retour à l’ordre. Le vol de cette corne en effet a entraîné un maléfice qui lie le destin de Léon (à travers son père transformé en ours) à celui du conteur disparu qui, lui, a pris visage de loup, mais surtout a perdu la mémoire.

3.3. Dans le Ventre des histoires du monde : des échos intertextuels pluriels

« L’Automne de Pougne » introduit une nouvelle quête qui se traduit par une deuxième descente dans le monde souterrain d’un tout autre type : non plus dans le puits qui permet au héros solitaire de délivrer des princesses et d’épouser la plus jeune et la plus jolie, mais dans un lieu où les ténèbres recèlent le monstre initiateur, grande baleine blanche et pelucheuse, à la voix caverneuse du coup plus rassurante qu’inquiétante. Nous sommes dans le « Ventre du monde », « là où naissent toutes les histoires ». Le récit prend une autre dimension, mythique et cosmogonique. Il rejoint le cycle des récits traditionnels qui visent à expliquer l’origine des histoires, - un répertoire revisité aujourd’hui avec délectation par des conteurs qui aiment jouer avec les codes de la narration propre à leur art, c’est-à-dire, nous y reviendrons, avec la vérité et le mensonge, attisant malicieusement les hypothèses d’une origine commune qui ont marqué les débuts de l’anthropologie et les premières étapes d’une approche scientifique des contes.

Le dialogue intertextuel se diversifie. Il y a quelque écho au mythe de la Baleine et à Jonas, tout comme à Pinocchio dans cette expédition menée en plusieurs épisodes sur le mode du roman d’aventures. Jules Verne n’est pas loin, « Le Roman d’Alexandre » non plus (ce grand classique du Moyen-Age), avec l’invention du sous-marin qui permet d’explorer les profondeurs marines. Mélie joue plus discrètement son rôle de bonne camarade ; on l’a vue à l’œuvre dans les Saisons 2 et 3. Elle ferait plutôt penser à quelque Fifi Brindacier sortie tout droit des romans d’Astrid Lingren qu’à une princesse de contes. Les réalisateurs nous transportent dans un monde fictionnel qui met en jeu une compétence encyclopédique éclectique. Par-delà la segmentation en quatre parties échelonnées sur plusieurs années, ils opèrent une narration visuelle qui trouve toute sa cohérence avec la Saison 4. Le dernier opus parachève en tout cas l’effet de voilement-dévoilement du conte « Jean de l’ours » que l’on peut présenter comme matrice-source, comme support. En écho avec la parole de la conteuse Mariette Vergne, Antoine Lanciaux, au cours de l’entretien réalisé en avril 2012 par l’équipe de tournage du CRDP de Lyon, nous fait pénétrer dans « l’atelier du scénariste » (Dellisse, 2009), déclarant ainsi :

[…] ce conte m’a beaucoup parlé en fait à plein de niveaux, mais aussi ce niveau-là me plaisait, c’était une façon de parler aujourd’hui de l’adoption, de l’abandon, et comment ces enfants abandonnés, nés sous X ou confiés, sont aussi issus d’une histoire d’amour, parce que c’est quelque chose qu’on a oublié, qu’on a du mal à entendre aussi.
[…]
J’ai trouvé dans l’histoire de Jean de l’ours un support vraiment parfait pour moi, pour raconter ce que je suis et ce que je ressens et transmettre aux enfants ce que peut être l’adoption, les parents, les copains, l’amour et toutes ces choses-là, ces thématiques qui sont encore à creuser aujourd’hui.

3.4. Quand changent les contextes

Les épisodes précédents ont donné quelque épaisseur aux personnages. La thématique de la filiation, jointe à celle de l’adoption, vient s’étoffer : le petit poisson qui a perdu sa maman (la chanson de Bobby Lapointe ne serait-elle pas ici comme en sourdine ?) émeut Hannibal l’éléphant au point de lui faire rêver une adoption qu’il croit impossible. La douleur du deuil (l’adopté) et le désir (ou projet) de l’adoption (l’adoptant, mais aussi l’abandonnant) viennent ainsi relancer la lancinante question de la différence, de l’altérité, le pari de la rencontre. Léon revient sur les devants de la scène, avec sa propre énigme. Pougne le hérisson grognon, va vivre son roman d’amour avec Mélusine, l’hérissonne libraire. L’aventure devient collective, entremêlant les genres, les catégories, les thèmes. Tout le monde pour finir y trouve son compte, selon une logique des possibles narratifs conforme aux attentes d’un genre aussi flou qu’universel et mouvant, réinterprété au gré des contextes.

La création de Pierre-Luc Granjon et d’Antoine Lanciaux s’inscrit dans le champ des productions contemporaines qui, tout en puisant dans les airs anciens, en renouvellent les matières et les manières. Un colloque consacré aux évolutions du conte et de la société (d’Humières, 2008) a mis en évidence le chantier des actualisations en cours, ce que l’on pourrait appeler les tendances du moment, dont je dégagerai brièvement les principaux traits. L’individualisme semblerait gagner sur les valeurs collectives, l’initiation ne conduirait plus au mariage, dans un affaiblissement de la transmission des modèles, et partant des grands rites de passage (le mariage, la maternité). L’on tendrait à une vision du parent bon camarade. Les princesses, dans les productions de la littérature de jeunesse examinées, ne sont plus ce qu’elles étaient, les familles sont recomposées, des parents divorcent. Ne voit-on pas Mélie elle-même venir passer ses vacances d’été chez sa mère, la reine Héloïse, dont elle a bien l’intention de faire échouer un éventuel remariage avec le méchant Boniface ?

4. Boniface ou la figure du conteur

4.1. Éloge d’un style oral en plein renouveau

« Un, deux, trois… Léon », « Quatre cinq six… Mélie », « Sept huit neuf… Boniface », « Et dix, onze, douze…, Pougne le hérisson » : le rythme même de la comptine nous invite à ouvrir tant nos oreilles que nos yeux, à partir « in fine » sur une autre piste de lecture. Par-delà le récit (« fabula ») des aventures de Léon, n’est-ce pas la narration orale dans sa traduction filmique qui fait tout autant le sujet du film en ses quatre volets et conduit la scénarisation de ce qui peut apparaître comment un « remake » innovant et ludique pour reprendre la catégorie oxymorique du « pseudo-remake » pointé par Umbert Eco. Les réalisateurs ne jouent-ils pas tout autant avec leur rôle de Grand Imagier (Laffay, Metz, Gaudreault, Jost) ou plutôt de conteur auteur (pour rester avec Luc Dellisse dans l’atelier du scénariste) éliminant le conteur personnage ? Revenons sur l’ouverture de la Saison 4 : le conteur disparaît, laissant la place vacante, une place dont Pougne ne veut pas et que les réalisateurs vont assumer pleinement :

Normalement, c’est Boniface qui raconte les histoires, mais voilà il a complètement disparu et vous savez qu’on me demande de le remplacer. Moi, je m’appelle Pougne, et mon métier c’est hérisson et pas conteur, alors ce ne sera certainement pas moi qui vous raconterai l’automne de Pougne.

Le spectateur averti, connaisseur en matière de « performance contée » (pour reprendre les termes de Jeanne Drouet), autant qu’en matière de répertoire, spectateur de second degré, selon Eco, n’a pas attendu la Saison 4 pour se mettre en état d’alerte. Pougne (qui, certes, comme l’ours hiberne) n’est pas n’importe qui. Pougne-hérisson est très précisément le nom du village situé entre Poitiers et Parthenay, dont le conteur Yannick Jaulin a fait le Nombril du Monde, - haut lieu d’expérimentations artistiques, comme il est présenté, non sans humour et cocasserie, sur une page du site (http://www.nombril.com/spip.php?article4, consulté le 12 février 2013) :

Cette petite commune unique et double à la fois réunit deux bourgs distants de trois kilomètres. Pougne, avec sa mairie, son église dédiée à Saint-Pou (guérisseur des maladies nerveuses provoquées par la peur), son bistrot représente l’homme, la « poigne », le centre des décisions. Hérisson, sa chapelle, ses prés humides, son nombril, représente la femme, la matrice d’heureux événements. Ces deux bourgs forment le ventre historique de la naissance des histoires du monde. Le hameau de Hérisson conserve un patrimoine bâti remarquable. L’empreinte d’un passé médiéval florissant jusqu’au XVIe s. confère à Hérisson un intérêt historique indéniable et constitue une balade singulière entre Histoire et histoires (visites guidées).

Notre Pougne incarne donc à lui seul le monde oral, un monde imaginaire (patrimoine oral et immatériel protégé par l’Unesco) qui donne accès aux caves de l’inconscient comme aux greniers de la mémoire de l’humanité, selon les images de Yannick Jaulin, lui aussi interviewé par la même équipe de tournage (CRPD de Lyon, 2012) et parrain officiel des Saisons.

4.2. Entre vérité et mensonge, le personnage du conteur

Parallèlement à l’histoire de « Jean de l’ours », reconnaissons que les trois premiers épisodes ont créé la situation perturbatrice du manque qui ouvre le quatrième : l’absence du conteur (ainsi le roi se meurt d’ennui), dont chacun, par-delà l’humour, dans et hors film, est bien persuadé de la gravité.

Une relecture s’impose alors des quatre Saisons comme éloge filé de la « belle parole » ou « parole de nuit », ainsi que la dénomment les écrivains et penseurs de la créolité (Chamoiseau, 1994), sous les traits de Boniface, au nom aussi ambivalent qu’ambigu, antiphrastique. Bonimenteur, faiseur d’histoires, Boniface le conteur se joue des normes et des valeurs en grand expert du « storytelling », autre dénomination aux connotations nettement péjoratives depuis la publicité faite aux « spins doctors » américains (Salmon, 2007). Il est ce magicien du vivant qui manipule les catégories du bien et du mal, met en débat nos valeurs, nous fait réfléchir aux rapports de pouvoir dans une société : l’enjeu est tant éthique (par-delà les prescriptions de la morale ordinaire) que politique. L’art vivant de la parole, tel que le cultivent les artistes-conteurs contemporains, que ce soit à Pougne-Hérisson ou ailleurs, est ici mis en scène de façon humoristique et jubilatoire. En repérer les modes nous oblige à élargir l’enquête initiale, à préférer au concept d’intertextualité celui d’« intervocalité », créé par Paul Zumthor (1987) pour échapper aux effets scripto-centriques de l’analyse littéraire. Le conte est en effet « œuvre performée », dont les « circonstances » sont partie intégrante. L’œuvre dans l’instant de sa performance met en relation une mémoire collective (l’histoire), un conteur (son agent de transmission) et un auditoire, à un moment donné de l’histoire, ce qui expose l’histoire ou « fabula » (Eco, 2003 : 59), à une infinité de variantes dont l’une vient s’actualiser selon une « pragmatique de la parole » que nous invite à concevoir Jean Derive (2010 : 116). Les réalisateurs s’appuient sur leur propre connaissance et expérience du conte oral (Claire Granjon, conteuse spécialisée dans la langue des signes, précisons-le au passage, est aussi la sœur de Pierre-Luc Granjon : leur entretien atteste une longue complicité). Ils s’ingénient à montrer cet art de la parole de manière facétieuse et divertissante.

Tout d’abord, Boniface manifeste une bonne connaissance du répertoire et sait en jouer, comme nous l’avons vu avec son utilisation de « Jean de l’ours » dans la Saison 1, nous n’y reviendrons pas. Conteur des trois premières Saisons, on le voit tout particulièrement exceller dans les moments où il est en position de conteur face à un auditoire, dans un effet de mise en abyme. Il sait jouer de la voix, du corps et du geste pour captiver l’attention. Il sait maintenir l’attention des auditeurs, disposés en cercle, les fait intervenir, frémir, les convie à deviner la suite. Il maîtrise parfaitement les formules d’introduction et de clôture qui entrent dans les horizons d’attente du genre. Par exemple, dans la Saison 1 :

Depuis ce temps-là sur terre les hommes et les ours vivent ensemble. Hannibal et Pougne se sont construit une maison dans un lieu où personne ne vient les déranger. Quant à moi, on ne m’a pas encore attrapé, la preuve en est : toute cette histoire, c’est moi qui vous l’ai racontée, et un, deux, trois.

Boniface emploie habilement le registre du conte étiologique (qui raconte le pourquoi et le comment du monde et des choses) pour composer avec sa double identité de conteur-personnage. Il retrouve ainsi la posture traditionnelle du conteur qui feint d’avoir assisté à l’histoire et peut donc in fine témoigner de la véracité de cette dernière. S’il s’y est attribué le mauvais rôle, il sait aussi s’en détacher, ce qui introduit un artifice supplémentaire dans le jeu ritualisé de la vérité et du mensonge et crée une nouvelle distanciation parodique. La formule : « Plus je vous en dirai, plus je vous mentirai » est sans doute l’une des plus utilisées par les conteurs aujourd’hui. Le mensonge entre dans la définition même d’un genre littéraire réputé pour la mise en œuvre d’une parole oblique, métaphorique, où le récit d’événements prime sur la description et le commentaire. Le plaisir de la vive voix s’y négocie avec l’auditoire, entre économie et surenchère. Boniface, en toute occasion, a le sens du parler formulaire et du rythme, - jusqu’au tic verbal, ainsi lorsqu’il s’adresse à Léon qu’il veut transformer en animal de foire, dans la Saison 1 : « Qui sera roi ? Un, deux, trois, ce sera moi. Si tu as faim, mange mon tambourin et si le tambourin n’est pas bon, mange ta main, pauvre Léon. ».

4.3. Traduction en images et en sons : la gageure de la marionnette

Les réalisateurs ont pris un plaisir manifeste à transformer le conteur vivant en marionnette animée, combinant les procédés pour être au plus près d’un art aussi incarné qu’immatériel. Dans un autre entretien réalisé en avril 2012 par l’équipe de tournage du CRDP de Lyon, Pierre-Luc Granjon, dialoguant avec Claire Granjon, insiste sur la qualité du travail vocal fourni par le comédien qui s’est plié à l’exercice : de nombreux enregistrements ont été effectués pour aboutir à la bande-son qui a servi de support à une retranscription à l’image, mais là avec une seule prise de vue. Une vigilance extrême a été observée d’un bout à l’autre quant à la justesse du mot comme à celle du geste. Les cadrages sont choisis avec soin, comme dans le moment d’été où Boniface met en scène sa propre quête du pommier aux pommes d’or, des « pommes d’escampette qui proutent et qui pètent », - belle occasion de saluer au passage un art consommé du « folklore obscène » des enfants (Gaignebet, 1974). Voici comment le réalisateur rend compte, dans cette traduction en image, de l’installation d’un code :

On a Boniface, qui raconte et qui est personnage principal, qui est grand. Et le public, qui est là juste pour montrer qu'il y a du monde, finalement, qu'il [Boniface] raconte son histoire à un auditoire […] qui est beaucoup plus petit. Alors, graphiquement, c'est intéressant, parce qu'il y a une frise de personnages en bas de l'écran, ce qui rappelle aussi l'enluminure […].
Ça met vraiment en valeur tout ce que Boniface a à raconter. Par contre, dès qu'on a besoin que le public intervienne, on retombe dans une manière plus traditionnelle de raconter et de montrer, le public prend l'échelle normale et on voit Léon, Mélie, l'éléphant, à la même taille que Boniface. Voilà, on joue…. Et je pense que le spectateur accepte ça plus facilement, parce que dès le début du film, on a une manière de montrer, sur les échelles… Enfin, dès le début, le code est installé.

Les marionnettes, fait remarquer Pierre-Luc Granjon, ont été créées, pour les personnages principaux, avec des membres suffisamment longs pour qu’il soit permis de leur donner des mouvements intéressants. L’image de la meule elle-même se métamorphose dans un passage de la situation d’énonciation à la situation narrée :

Quand il [Boniface] évoque le mont inaccessible, alors la meule de foin sur laquelle il était devient beaucoup plus grosse qu’elle n’était au départ. […] Cette meule grossit dès qu’il se met à raconter. On le voit tourner autour, il est beaucoup plus petit que la scène où on le voit devant son public en leur disant qu’il allait raconter une histoire. Enfin c’est comme si l’image qu’il s’en faisait prenait vie.

4.4. Une poétique expérimentale en partage

Conte et film d’animation génèrent une poétique expérimentale de l’enchantement selon des modes à la fois voisins et spécifiques, que les images soient mentales ou matérialisées. L’image et le geste viennent montrer ce que la parole ne parvient pas à dire, peuvent explorer librement tous les possibles narratifs. Ainsi l’un (réalisateur) comme l’autre (conteur) peuvent procéder à des élagages sévères (dialogues, précisions de l’ordre de la didascalie ou de la description devenant inutiles, quand le conteur prend la pose ou quand le réalisateur joue avec l’animation des décors et des personnages).

Une même économie du style oral et de la narration visuelle laisse libre cours à de subtils effets de dosages. Ainsi dans la scène du récit de Jeannette, déjà évoquée, - « flash-back » qui s’apparente au motif de la communication indirecte très répandu dans le répertoire international des contes, en position de résolution de problème (pour faire reconnaître son innocence, son identité, le héros ou l’héroïne raconte son histoire à l’attention d’un destinataire absent ou qui ne se croit pas visé), mais s’en démarque. Ici le destinateur et le destinataire sont dans un face à face qui porte l’émotion à son comble. Pierre-Luc Granjon, dans son dialogue avec la conteuse Claire Granjon, explicite en ces termes les choix qui ont présidé au montage de ce grand moment de clôture :

Il y a un « flash-back » dans « L'Automne de Pougne », à la fin du film, quand la Jeannette raconte à Léon son histoire. Dans ce cas-là, c'est vraiment quelque chose qui est propre au film, on peut se permettre d'illustrer clairement tout ce qu'elle raconte en montrant les images, mais ce n'est vraiment qu'au début de son récit, après on revient sur les deux personnages principaux qui racontent et là, on a quitté vraiment le « flash-back » et on n'est plus au niveau du récit.

Par-delà le seul Boniface, l’art de la parole conteuse irradie tous les personnages. On pourrait se contenter ici de citer la princesse Mélie, qui sait mélanger les registres à l’oral comme à l’écrit et jouer avec les mots, comme dans cette proclamation véhémente : « Moi, Mélie princesse de Balthazar ville, j’en ai plus que marre de tout ce bazar et je prendrai en mariage le petit veinard qui réduira l’ogre barbare en saucisse ou en purée d’épinard non mais alors ! » Un langage s’invente qui témoigne d’une jubilation du verbe et laisse affleurer tour à tour, d’une saison à l’autre, la tendresse et l’humour. Refrains, chansons et formulettes scandent la narration et impriment une rythmicité qui charme un public expert en comptines dans son plus jeune âge et serait à étudier au plus près des interactions et relations qui se nouent avec chacun, y compris dans l’obscurité propice d’une salle de projection.

5. La transmission culturelle au temps du numérique : questions en guise de conclusion

L’exercice de conte-typage auquel le lecteur vient d’être convié conduit à confirmer « l’appareillage » entre le conte et le film d’animation, pour reprendre le mot de Vivian Labrie. Léon Tête d’ours, digne avatar de Jean, assume jusqu’au bout les marques de son être ursin. Que l’on examine les quatre épisodes de la collection ensemble ou séparément, il est difficile de passer à côté du Fils de l’ours : à partir du moment où l’on connaît le conte, force est de le reconnaître et d’y prendre ces plaisirs de second degré célébrés par Umberto Eco, lesquels ne diminuent aucunement ceux d’un régime naïf de réception, observable dès le plus jeune âge. Le dernier opus vient parachever l’ensemble avec la quête d’un Pougne-Hérisson au nom emblématique d’un monde oral en son renouveau. L’hommage ainsi rendu au conte traditionnel touche tant le contenu narratif que les façons de conter. On peut ici saluer l’humour et la malice des réalisateurs, leur appétence à se faire conteurs eux-mêmes, à prendre pleinement une place qui conjugue celle de Grand Imagier et celle de Haut Parleur, selon la double appellation tentée par Germaine Lacasse (2009) qui rend ainsi à l’usage de la langue dans le film toute son efficience (elle insiste sur les accents, les intonations etc.). Cette dernière désignation prend toute sa pertinence dans le cas qui nous occupe : le « bonimenteur de film » pourrait ici entrer en résonance : à chacun sa culture encyclopédique. En tout cas les réalisateurs ont fait un travail de tressage, de montage des textes, des images et des sons dont il y aurait à poursuivre l’étude, ici amorcée, avec des experts du cinéma d’animation. Un travail remarquable. « L’Automne de Pougne » reçoit un accueil chaleureux de la critique dès sa sortie (Télérama, Le Monde, L’Express), même s’il est éclipsé le même jour par le film d’animation très médiatisé de Jean-Christophe Dessaint, Le jour des Corneilles (dès 7 ans, 1h36), touchant des thèmes voisins et porté par les voix de Jean Reno et de Claude Chabrol en personne (lequel vient de mourir). La Saison 4 a vite remporté divers prix dont le site du Studio Folimage dresse la liste. Le DVD réunissant « Les quatre saisons de Léon » sort l’année suivante3. Le CRDP de Lyon de son côté a lui aussi joué les prolongations : après le webdocumentaire, un DVD vient compléter le dispositif. La commande, passée cette fois à l’échelon national, est celle d’un livret axé sur la structure du conte à destination des écoles maternelles, en complément du premier, et consultable sur tablette numérique). L’ensemble de la documentation pédagogique sur le conte (outre les deux espaces numériques qui ont été les premiers mis en place : L’atelier de l’enluminure et Les métiers du cinéma et d’animation) se trouve en libre accès sur le site du CRDP de Lyon. Les deux DVD (CNDP-CRDP et Folimage) devaient sortir en même temps, selon la convention passée entre les deux institutions partenaires. Mais la couverture en définitive, pour une raison qui reste à élucider, va être différente : celle du Studio Folimage met l’accent sur un collectif, sur le récit d’aventures (Léon y figure avec ses compagnons), celle du CRDP (nous n’avons, Jeanne et moi, pas contribué à cette phase des travaux, notre collaboration s’arrêtant avec la livraison des livrets) présente Léon avec sa belle tête d’ours, en position de héros. Tout se passe comme si les personnages échappaient déjà au travail du cinéaste comme au travail corrélé de l’analyste. Jeanne et moi avions commencé à travailler au moment où les réalisateurs achevaient le quatrième épisode, à partir d’un résumé détaillé et d’une première animation des images). Une autre forme d’aventure éditoriale s’ouvre où les institutions et leurs relais pèsent de tout leur poids. Il y aurait donc matière, suivant les recommandations de Pierre Barrette (2003 : 37-38), à poursuivre l’enquête aussi de ce côté-là, dans une approche pragmatique soucieuse d’un équilibre entre les pôles de production et de réception, des contraintes et déterminations qui font du « film objet » « un film événement ». Les suites pourraient tout autant faire la part belle au « hasard et aux occasions » (Jauss, 1994 : 57-58), si l’on compte à présent avec les aléas des modes de navigation numérique et d’accès aux divers documents. En espérant que des occasions se présentent (tel peut être aussi l’enjeu de cet article), il me semble prudent de terminer par quelques questions comme autant de promesses de chantiers au carrefour des disciplines (études cinématographiques, littérature, anthropologie, sociologie etc.) et au plus près de l’exemple ici considéré dans des dynamiques spatiales et temporelles aussi mouvantes qu’imprévisibles et incertaines.

Un premier ensemble de questions pourrait s’attacher à la circulation et à l’invention de la tradition (Hobsbawm et Ranger, 2006). Si on part du constat d’oubli de la tradition, que cet oubli soit involontaire ou stratégique, quelles peuvent être les formes d’étayage ou de brouillage générées par cette sorte de présence tant affichée que masquée du conte dans le film ? Comment les appréhender ?

Léon Tête d’Ours sera-t-il capable de relancer la tradition ? Le film peut-il revitaliser le conte, et contribuer à diverses formes de mises en circulation ? La conteuse Mariette Vergne a su relever le défi, pour les besoins du webdocumentaire, de raconter une version intégrale à sa façon, devant un public d’adultes et de très jeunes enfants qu’elle a tenus en haleine pendant quarante cinq minutes (force a été de ramener la performance à un montage d’extraits n’excédant pas une vingtaines de minutes). Peut-elle faire école ? Au moment du retour de l’ours dans les montagnes françaises, au moment où les rites du Carnaval ressurgissent dans les campagnes ou dans les villes, le succès du film et les pistes de l’exploration pédagogique proposées (L’atelier du comparatiste, L’atelier du folkloriste) fourniront-ils des éléments de conjugaison propices à une sortie d’hibernation de l’ours imaginaire : celui avec lequel Antoine Lanciaux dit vouloir renouer, loin de toutes les édulcorations qu’il a subies et subit si souvent dans les productions pour la jeunesse ? Le film d’animation peut-il inverser le temps et provoquer une remontée vers l’ours au sens vertical de l’hommage rendu à une littérature qui se moque de fait des tranches d’âges comme des échelles du temps et de l’espace (la contemporanéité de ses actualisations est sa condition d’existence) ? Léon peut-il au contraire, tout en puisant une grande partie de sa force de sa relation à l’ours mythique, prendre la place de Jean de l’Ours, comme le lion oriental, selon l’étude du médiéviste Michel Pastoureau (2007), a pris un jour la place de l’ours occidental ? Va-t-il devenir à son tour ce compagnon de nos vies que sont les personnages de fiction (Eco, 2013 : 111), libre de toute parenté avérée, de tout souci d’appareillage ?

Ou encore, autre inversion possible d’un questionnement qui mettrait en jeu cette fois le statut du film d’animation, est-ce Jean de l’Ours qui pourrait tirer Léon tête d’ours vers le haut des tranches d’âge ? La version de Nora Aceval, passée par l’Espagne et l’Algérie (2003) et gracieusement mise en ligne sur le site, a été rôdée devant des publics d’adolescents : est-elle de nature à réanimer ce conte qui passe pour trop difficile, trop long, trop cru (la scène du rapt, du viol) ? Les exercices suggérés (comparaison, enquête ethnographique) sont-ils susceptibles de toucher d’autres publics friands de second degré et diversement experts en arts du récit et de l’image ? Le jeu de liaison/déliaison entre les quatre épisodes qui font le film (4x26 mn) et mettent au cœur du débat les thèmes de l’adoption, du divorce, de l’amitié, de l’amour etc., sans limites d’âge, ainsi que des artistes conteurs entreprennent de le prouver, ce jeu serait-il de nature à lever l’hypothèque qui pèse encore tout aussi fortement sur les définitions du cinéma d’animation (Joubert-Laurencin, 1997 : 35-42) que sur celles du conte de tradition orale (tradition dite aussi populaire que l’on oppose à des cultures réputées savantes) ? Est-ce un combat perdu d’avance, au regard des publics fléchés de part et d’autre (dès trois ou quatre ans) ? Aurons-nous, Jeanne Drouet et moi-même, réussi notre pari de décloisonnement en usant autant que faire se pouvait de notre liberté d’anthropologues spécialistes de la parole et du récit ? Quel est le pouvoir de diffusion d’un site pédagogique face aux réseaux de grande distribution, surtout lorsque la politique éditoriale vise un monde enseignant découpé en tranches : niveaux, disciplines, programmes, activités - ici « « Films en classe » », cycle 2 / Ecole maternelle) ? Comment faire connaître plus largement cet apport de ressources, lorsque le mode de catalogage lui-même occulte la visibilité des auteurs et entrave ainsi les nouvelles dynamiques de liens-hyperliens offert par la toile ? Ainsi le pack pédagogique proposé sous le titre Contes et diversité des cultures avec le DVD, http://www.sceren.com/cyber-librairie-cndp.aspx?l=contes-et-diversite-des-cultures&prod=16512&ref=242630) : reprend-il incognito le titre de l’essai didactique du même nom paru dans la collection Argos, qui articule théories et recherche (Decourt, Raynaud, 1999), dans une forme paradoxale d’hommage qui fait disparaître les auteurs. Nos partenaires cinéastes n’ont-ils pas eu raison d’éviter le risque de double aplatissement pédagogique auquel la littérature orale (un Jean de l’ours tombé dans l’oubli) et le cinéma d’animation (un film de marionnettes à partir de 3 ans) pouvaient les exposer ? Comment lutter mieux ensemble contre la tendance à rabaisser des productions sous prétexte qu’elles touchent les petits ? A partir de l’expérience mise ici en débat et partage, quel(s) dispositif(s) de recherche peut-on imaginer pour approcher les alchimies de la réception d’une œuvre d’art qui prennent en compte une pluralité d’événements et de points de vue sur une durée et dans une amplitude suffisantes pour aboutir à des résultats (quantitatifs et qualitatifs) significatifs ? Tel me paraît le défi posé par le voisinage virtuel des deux DVD (CNDP-CRDP/Folimage), comme une provocation à l’action, à l’expérimentation, au dialogisme. Telle pourrait être la leçon de l’Ours (Jean, Léon et autres avatars), grand maître du temps et des saisons dans leur renouvellement même, une leçon de vie et d’optimisme.

http://www.folimage.fr/fr/boutique-accueil/dvd-les-quatre-saisons-de-leon-_119.2.htm

http://www.crdp-lyon.fr/les4saisonsdeleon/themeArtduconte.php

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Zumthor, Paul (1987). La lettre et la voix. Paris : Seuil.

Notes

1 A child of magic birth (son of a bear or horse[B 631], born from tears grows into a youth gifted with exceptional strength [T615]. He takes the road for adventure (luck), and allies himself with two companions with extraordinary powers [F601]. When they prepare their food, twice a little man (dwarf, devil, giant) spoils it (eats the food and beats up the cook) [F451.5.2]. Only the hero is able to catch and punish the little man, who then shows the companions the entrance to the underworld. La traduction est ici une traduction de travail, pour le détail des motifs, consulter le site http://www.ruthenia.ru/folklore/thompson/. Retour au texte

2 The companions (brothers) come to a well (pit, cave) [F92] and lower the hero into it [F96]. The hero overcomes monsters (dragons, devils) and rescues (the three) princesses (with the princesses’help, using a weapon, only by strength, by magic means) [R111.2.1]. (The princesses give him présents.) His treacherous companions pull the princesses up but leave the hero below [K1931.2]. (cut off the rope [K963], overturn the basket.). They force the maidens to name them as their rescuers [K1933]. Retour au texte

3 Il est disponible en version française et en version anglaise (avec l’achat possible de lunettes 3D anaglyphes pour visionner en relief les deux petites vidéos ajoutées en bonus), la boutique en ligne du site propose également un album tiré du troisième épisode : « Le Printemps de Mélie » (par Antoine Lanciaux), un « Jeu des 6 familles Léon et Mélie » (par Pierre-Luc Granjon) et un poster représentant le petit royaume d’Escampette (« « Au Royaume de Léon et Mélie » »). Retour au texte

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Référence électronique

Nadine Decourt, « Les Quatre saisons de Léon et Jean de l’Ours : entre conte et film d’animation, questions de transmission et de réception », Textes et contextes [En ligne], 8 | 2013, publié le 01 décembre 2013 et consulté le 23 avril 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=415

Auteur

Nadine Decourt

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