Actualités : les élections 2012

Une extrême gauche réduite à l’état gazeux ?

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Communisme, Socialisme, Trotskysme

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Le moment électoral 2012 à la gauche de la gauche1

Les élections de 2012 (Présidentielles et Législatives) ont été dominées, à la gauche de la gauche, par la figure de Jean-Luc Mélenchon. La campagne présidentielle a révélé un orateur hors pair et un militant pugnace. Ayant commencé à militer dans les rangs « lambertistes » peu après mai 68, il adhéra bien vite au PS auquel il appartint pendant une trentaine d’années. Sénateur, il fut un moment Ministre (Enseignement professionnel), ce qui explique à la fois sa crédibilité dans une partie de l’opinion de gauche et aussi son attachement à la figure de François Mitterrand, à la république et aux trois couleurs, régulièrement brandies dans ses meetings, concomitamment avec le drapeau rouge2. Favorable au « Non » lors du référendum européen de 2005, il quitte peu après le PS et fonde le Parti de Gauche (PG) en 2009. Le PG sera un des éléments fondateurs et moteurs du Front de Gauche (FG), avec le PC et la Gauche Unitaire (GU) issue de la LCR/NPA.

La séduction exercée par le FG sur le NPA ne cesse pas. Tout de suite après le Congrès du NPA de février 2011, un groupe de militant(e)s le quittent, critiquant « sa politique isolationniste » et annoncent leur ralliement au FG. Les figures emblématiques de ce groupe sont Yann Cochin (Convergence et Alternative) et Leila Chaibi. Cette dernière, animatrice du collectif « L’appel et la Pioche », vient de défendre les couleurs du FG dans la 10e circonscription de Paris (XIIe et XIVe arrondissement) où elle a obtenu 11,62% des voix. Quelque temps avant, « la candidate voilée » du NPA aux Régionales de 2010 en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Ilham Moussaïd, avait annoncé son départ d’un parti avec qui « le rendez-vous a été raté ». Avec une dizaine de ses amis dont plusieurs avaient tenté l’expérience du NPA, elle lance un nouveau groupe : « Agir pour la justice, contre le racisme, l’exclusion et la violence ». Presqu’au même moment, d’autres militants récents du NPA – le plus connu, Fabien Engelmann, agent technique à la mairie de Nilvange en Moselle, syndicaliste CGT et ancien militant de LO – quittent le NPA pour le … Front national, quand ils apprennent que leur parti présente une Avignonnaise voilée aux Régionales : « Voir cette fille prétendument républicaine arborer un symbole de l’oppression féminine m’a semblé complètement fou »3.

Au cours de la longue campagne pour les Présidentielles de 2012, la séduction exercée par le FG sur le NPA s’amplifie. En effet, Olivier Besancenot, porte-drapeau efficace de la LCR aux élections présidentielles de 2002 (4,25% des voix) et de 2007 (4,1% des voix) annonce son intention de ne pas se représenter, refusant de devenir le porte-parole « à vie » de son courant politique. La nouvelle est officialisée au début du mois de mai 2011. Dans sa lettre aux militants du NPA, ses camarades, il écrit : « Je ne veux pas avoir le sentiment de faire partie du personnel politique traditionnel aux yeux du large public, qu’à notre mesure nous influençons depuis quelques années. Le fait de mener une activité professionnelle à la Poste – activité que je n’ai jamais lâchée – n’est pas, sur le long terme, un sérum assez puissant pour contrecarrer la dynamique consensuelle qu’impose la joute électorale et médiatique à répétition. Le jeune travailleur parti à l’assaut de la politique en 2002 est inéluctablement devenu, en 2007, celui qui fait de la politique tout en continuant à travailler et probablement quelqu’un qui fait de la politique tout court en 2012. Militant je suis, militant je veux rester. Me libérer de cette contradiction est la meilleure garantie, pour moi, de continuer à porter le combat du NPA sur la scène publique, mais différemment »4. Cette décision permet de déblayer le terrain pour Jean-Luc Mélenchon à la gauche de la gauche. Jusqu’ici, les sondages le donnaient à peu près à égalité avec Besancenot (de l’ordre de 4 à 5% chacun). Aussitôt les observateurs de la vie politique française, par exemple Gaël Sliman (BVA) ou Jérôme Fourquet (IFOP) notent « l’extraordinaire nouvelle pour Mélenchon », « ça va faire de la place pour lui » !5. Au début du mois de juin 2011, une majorité de militants du PC décide de le soutenir. Le candidat que certains militants communistes lui avaient un moment opposé, André Chassaigne, est finalement mis en minorité par les militants communistes. La campagne dynamique, efficace, de J.-L.. Mélenchon, ponctuée par d’importants meetings tenus en plein air, à Paris – Place de La Bastille, le 18 mars 2012, il réunit plus de 100.000 personnes - comme en province, accentue ce mouvement de séduction. On apprend que 3 dirigeants importants du NPA, Hélène Adam, Pierre-François Grond et Myriam Martin, une des deux porte-parole du parti, appellent à voter Mélenchon alors même que leur parti a son propre candidat6. Leurs camarades, enfin ceux qui avaient accepté de se lancer sur les routes pour obtenir les parrainages, avaient réussi in extremis à réunir les 500 précieux paraphes pour Philippe Poutou. Celui-ci, ouvrier chez Ford à Blanquefort, dans l’agglomération de Bordeaux, militant syndical aguerri, a participé à des luttes importantes pour la sauvegarde de l’emploi dans son entreprise7. Mais cet ancien de la LCR et de LO – il a rejoint la LCR au début des années 2000 avec les anciens de LO rassemblés depuis quelques années à VDT (Voix des Travailleurs) - ne maîtrisait pas au début de sa campagne les codes du combat politique à l’ère de la télévision. Sa participation à l’émission de Laurent Ruquier, « On n’est pas couché », le 29 octobre 2011, a des allures de déroute, amplifiant le mouvement de recul d’un certain nombre de ses camarades du NPA nostalgiques du brio de Besancenot8.

C’est avec moins de difficultés, tellement ils sont rôdés à l’exercice, que les militants de LO obtiennent les 500 signatures et présentent Nathalie Arthaud, en campagne depuis plus d’un an déjà. LO, dont la candidature habituelle, Arlette Laguiller, était une « travailleuse » présente cette fois une agrégée de l’université. Nathalie Arthaud, née en 1970 dans une famille de garagistes, milite à LO depuis 1990. Elle est titulaire du CAPET puis de l’agrégation d’économie-gestion. Après un poste en Seine-Saint-Denis, elle est mutée à Vaulx-en-Velin, dont elle est conseillère municipale depuis 2008, élue sur une liste d’Union de la Gauche dirigée par un militant du PC. Désignée comme porte-parole de LO en décembre 2008, elle a eu le temps de se « rôder » en participant à quelques émissions de télévision avant l’échéance de la présidentielle. Cependant, Alain Krivine note : « Avoir la même fougue et la même insolence de classe qu’Arlette, c’est compliqué surtout quand on est prof »9. Le NPA, lui, héritier d’une LCR accusée traditionnellement d’intellectualisme, présente un ouvrier sans diplôme. Quant au POI, après avoir présenté un candidat aux deux dernières présidentielles (2002 : Gluckstein et 2007 : Schivardi), il ne récidive pas cette fois, sans doute pour des raisons financières et non pour des raisons de principe. Il n’y aura donc « que » 2 candidats situés à la gauche de la gauche, le Front de Gauche se positionnant de manière plus ambiguë à la confluence d’ une gauche classique et de l’extrême gauche.

Election présidentielle.

Contre toute attente, après un début de campagne difficultueux, rivé par les sondages à 0,50% d’intentions de vote, le candidat Poutou va se révéler dans les derniers jours précédant le vote. C’est au cours de l’émission « Des paroles et des actes », l’émission politique phare de France 2 que « le candidat ouvrier » crève l’écran, le 11 avril 2012, à 10 jours du premier tour. Il reconnaît face aux professionnels du journalisme médusés qu’il n’est pas à l’aise sur les plateaux de télévision. Cet exercice solitaire lui pèse : « Je n’ai pas l’habitude d’être seul. On arrive chez le patron en groupe, on séquestre en groupe ! ». Cette affirmation tranquille de l’insolence ouvrière séduit, malgré la tentative, à chaud, de Franz-Olivier Giesbert de casser « l’effet Poutou » : « Philippe Poutou, ah ! Philippe Poutou…, c’est un type extrêmement sympathique, totalement baba cool ! D’ailleurs j’ai plein de copains comme ça, on passe de bonnes journées ensemble, on bouffe des sardines à Marseille… Mais il ne connaît absolument rien de ses dossiers, il ne sait pas du tout de quoi il parle, et il a le programme le plus dingue ! »10. A contrario, la spécialiste Télévision du Monde, Isabelle Talès note qu’au cours de cette émission le capital de sympathie du candidat anticapitaliste a prospéré de minute en minute11. Philippe Poutou et ses camarades avaient commencé leur contre-attaque en janvier 2012 en publiant un petit livre aux éditions Textuel, intitulé Un ouvrier c’est là pour fermer sa gueule ! (voir le compte rendu de cet ouvrage sur notre site12).

La campagne de Nathalie Arthaud fut beaucoup plus classique, à la fois dans la forme et sur le fond. S’affirmant comme « candidate communiste », elle développe les mots d’ordre traditionnels d’une candidate lutte de classe sur l’emploi et les salaires, abordant fort peu les problèmes d’environnement par exemple13. Lutte Ouvrière conclut une campagne marquée par un grand nombre de réunions locales par un meeting national au Zénith de Paris le 15 avril 2012, au cours duquel interviennent, outre leur candidate, une conductrice de train, une infirmière, Jean-Pierre Mercier ouvrier de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois14 et Ghislaine Joachim-Arnaud, porte-parole de Combat Ouvrier, l’organisation sœur de LO aux Antilles, une des animatrices de la grande lutte de 2009 contre l’exploitation outrancière («Lutt Kont Pwofitasyon »)15.

Les résultats du 1er tour se caractérisent par une forte participation de près de 80%, avec l’arrivée en tête de François Hollande (28,63%), devant Jean-Luc Mélenchon (11,10%), les candidats d’extrême gauche se trouvant rejetés au bas du tableau : Philippe Poutou 1,15% et 411.000 voix, Nathalie Arthaud 0,56% et 202.000 voix. Si la moyenne de J.-L. Mélenchon recouvre des disparités, entre ses points forts et ses points faibles (exemple : la Seine-Saint-Denis avec près de 17% et l’Alsace avec 7,30%), les chiffres des deux candidats de l’extrême gauche sont plutôt uniformes sur tout le territoire, Poutou devançant toujours Arthaud. Il n’y a que dans les régions d’outre-mer que ce schéma n’est pas respecté : en Guadeloupe, Nathalie Arthaud est devant Philippe Poutou (avec 0,92% des voix contre 0,79%). Mais en Martinique Poutou devance légèrement Arthaud (1,17% et 0,99%). Et manifestement Philippe Poutou séduit plus à Saint-Pierre-et-Miquelon que dans l’Hexagone : il y obtient 3,91% des voix, Arhaud seulement 0,87%, mais il est vrai que cela ne fait que 103 voix pour Poutou et 23 pour Arthaud !

Elections législatives.

La première caractéristique des élections législatives, fut le fort taux d’abstention. Dès le premier tour, le 10 juin, 42% des électeurs inscrits se sont abstenus. L’abstention a été plus forte encore au deuxième tour. Comme d’habitude, ce sont les jeunes et les catégories sociales les plus modestes qui ne sont pas allés voter, 59% des ouvriers par exemple. Les candidats du Front de Gauche n’ont pas réalisé « l’exploit » de Jean-Luc Mélenchon, lui-même ayant été devancé à Hénin Beaumont par le candidat socialiste. Seuls certains candidats du PC, députés sortants ou maires de grandes villes ont dépassé son score du premier tour, et pour 10 d’entre eux ont été élu(e)s ou réélu(e)s, 7 du PC, 2 de la FASE, et un seul du Parti de Gauche, Marc Dolez dans le Nord. Le PC a perdu une circonscription emblématique pour lui, celle de Maurice Thorez, la 10e du Val-de-Marne. Malgré ses 30,28% des suffrages exprimés, son candidat Pierre Gosnat, maire d’Ivry-sur-Seine, a dû s’effacer derrière le candidat socialiste arrivé en tête.

Pour ces élections les organisations d’extrême gauche ont fait un gros effort. Lutte Ouvrière était présente dans 552 circonscriptions sur 577, le NPA dans 340 circonscriptions, dont 40 NPA-GA (tendance Gauche anticapitaliste), et il soutenait 30 candidatures unitaires (la plupart du temps : NPA + Alternatifs + MOC, soit le Mouvement des Objecteurs de Croissance). Dans quelques circonscriptions, notamment à Paris, un(e) candidat(e) de la GA était en concurrence avec un candidat(e) du NPA. Une telle attitude anticipait le départ de militant(e)s de cette tendance vers le Front de Gauche, qui va se concrétiser le 8 juillet 2012. Le POI quant à lui, absent des présidentielles, présentait une centaine de candidats. Les résultats n’ont pas été à la hauteur de ces efforts. Alors que les candidats d’extrême gauche avaient réuni en 2007 3,41% des suffrages exprimés, ils ont dû se contenter cette fois d’environ 1%. Et, contrairement à la fois précédente, si les candidats du POI sont en général surclassés par ceux de LO et du NPA, ces derniers ne sont pas systématiquement devant ceux de LO. Il y a un équilibre entre les deux partis, alors que pour les Présidentielles, Poutou était pratiquement toujours devant Arthaud, avec souvent le double de voix. Autre caractéristique, aucun de ces 3 partis ne parvient à placer 50 de ses candidats au-dessus de la barre de 1%, ce qui les empêche d’accéder au financement public des partis politiques. Sur les 552 candidats de LO, 20 obtiennent plus de 1%, 24 candidats du NPA sont dans ce cas, et nous avons compté 3 candidats du POI au-dessus de 1%, dont un de ses dirigeants et ancien candidat aux présidentielles, Gérard Schivardi. Maire de Mailhac, il obtient 4,88% des voix dans la 1ère circonscription de l’Aude (Carcassonne), de même que son camarade Didier Fouche, maire de Soulitré, obtient 1,11% dans la 2e de la Sarthe. Le troisième candidat du POI à franchir cette barre est Gérard Dumas, dans la 5e de la Loire, à Roanne, avec 1,14% des voix. Déjà en 2007, le POI obtenait 1,34% des voix dans cette circonscription.

Quant on observe avec attention les résultats des candidats de LO, on est frappé par leur constance, de 0,30 à 0,60 % des voix. Cependant, dans un département métropolitain au moins, le Pas-de-Calais, 5 de ses candidats franchissent la barre de 1%, sur un total de 12 circonscriptions. Nathalie Arthaud obtient 2,47% à Aubervilliers-Pantin (6e de Seine-Saint-Denis) et Christian Driano, conseiller municipal de Grand-Charmont, 1,04% à Montbéliard. Par contre des militants très connus ne dépasseront pas 1%: ni Liberto Plana à Perpignan, ni Eric Pecqueur, conseiller municipal d’Orchies dans la 21e du Nord, ni Michel Treppo à Audincourt (il est conseiller municipal de Valentigney, une commune de la circonscription), ni Roland Szpirko à Creil (âgé de 66 ans, trotskyste depuis 1962, conseiller régional de Picardie de 1998 à 2004, dirigeant de la lutte des Chausson dans les années 1990, très présent ces dernières années auprès des « Conti » de Clairoix en lutte)16. Notons également le résultat décevant de Jean-Pierre Mercier, leader syndical (CGT) de l’usine d’Aulnay-sous-Bois dont la fermeture est aujourd’hui décidée par la direction de PSA. Conseiller municipal de Bagnolet, il était candidat LO dans la 7e circonscription de Seine-Saint-Denis, il doit se contenter de 0,72% des voix. Aux Antilles cependant, 4 candidats de LO et de Combat Ouvrier sur 8 sont au-dessus de 1%, dont Ghislaine Joachim-Arnaud,une des dirigeantes du grand mouvement de lutte LKP, à 3,53% dans la 3e de Martinique.

On retrouve ce même encéphalogramme plat pour le NPA, à quelques exceptions près cependant. Ainsi, l’inoxydable Alain Laffont recueille 5,50% des voix dans la 1ère du Puy-de-Dôme, en progrès par rapport à 2007 ! « Médecin des pauvres » mais aussi conseiller municipal de Clermont-Ferrand, il devance même le candidat du PC à Clermont-Ferrand avec 7% des voix. Cependant, le miracle ne se reproduit pas dans les 4 autres circonscriptions du Puy-de-Dôme où le NPA avait des candidats. Pour retrouver des scores qui rompent avec la modestie ambiante, il faut aller en Gironde, où Philippe Poutou, bénéficiant sans doute de l’effet « vu à la télé » et de la sympathie de ses camarades d’usine, obtient 2,12% à Blanquefort. Présents dans chacune des 12 circonscriptions de ce département, les candidats ou candidates (8 femmes sur 12) doivent se contenter de scores inférieurs à 1%, sauf pour une. Bien que conseillères municipales à Cenon et à Lormont, les deux candidates de la 4e obtiennent 0,94%. Une autre région, la Haute-Normandie (Eure et Seine-Maritime), vieille terre d’implantation de la LCR, se distingue un peu. Trois candidat(e)s y dépassent 1%, Christine Poupin, porte-parole nationale du NPA, Régis Louail, ouvrier à Renault-Cléon et Sophie Ozanne à Louviers, sur un total de15 circonscriptions. Par contre, la Haute-Garonne, ébranlée par le ralliement de figures importantes du parti au Front de Gauche, n’apporte pas de satisfaction aux militants. C’est sur les marges de ce département que le 1% est dépassé, par le candidat du NPA et son suppléant du MOC à Cahors, et par un Alternatif soutenu par le NPA à Auch, dans le Gers. Dans l’Hérault, le militant emblématique qu’est Francis Viguié, conseiller municipal de Montpellier, doit se contenter de 0,67%, sa camarade Martine Garnier dans la 2e, de 0,71%. S’il n’a pas remporté de scores importants, le NPA en a profité parfois pour mettre en avant certaines figures emblématiques de combats auquel il est attaché, ainsi à Agen, où la suppléante du candidat était une franco-palestinienne, Jamalat Abou Youssef. Dans la 13e des Bouches-du-Rhône (Martigues), le candidat du NPA, Adil Fajry, agent territorial, a obtenu 1,28%, mais Jacques Fortin, vieux militant de la LCR, ami de Daniel Bensaïd, déjà candidat il y a près de 40 ans17, a dû se contenter de 0,25%, il est vrai en « terre ennemie », à Orange.

En région parisienne, ici ou là la barre du 1% est franchie (4 fois en Seine-Saint-Denis, une seule fois à Paris), mais Francis Couvidat, conseiller municipal à Evry n’obtient que 0,68% dans la première de l’Essonne. Dans le département de la Savoie, quelques militants opiniâtres , alliés aux Alternatifs, franchissent la barre du 1%, Myriam Combet, ancienne élue du PC, à Aix-les-Bains, Laurent Ripart à Chambéry, dont il est conseiller municipal. Ce dernier remarque le décalage entre les faibles résultats et la sympathie suscitée par la campagne, regrettant malgré tout que les quartiers populaires ne se soient pas davantage mobilisés : dans sa circonscription, il obtient moins de 1% dans ceux-ci et dépasse les 2% dans le centre18.

La seule région dans laquelle un militant du NPA fait un score « important », c’est le Limousin (départements de Creuse, Corrèze et Haute-Vienne), 6 circonscriptions en tout. Dans cette région, depuis plusieurs années le NPA fait cause commune avec le Front de Gauche, les Alternatifs, des dissidents du PC, dans une alliance électorale appelée « Limousin terre de gauche ». Le candidat de la 3e circonscription de Haute-Vienne était un militant du NPA, Daniel Clérembaux, conseiller municipal de Limoges, il a obtenu 8,33% des voix, celui de LO 0,69%. En outre, le NPA avait fourni deux candidats suppléants. Exception locale ou terre d’expérimentation dont le NPA tirera des leçons ?

Conclusion

Au cours de cette séquence électorale, l’extrême gauche n’a donc pas réalisé « l’exploit » des Présidentielles de 2002 et dans une moindre mesure de 2007. Toujours divisée, elle a pâti à la fois de l’effet Mélenchon et puis aux Législatives de l’unité réalisée par le PC, le PG et la GU dans le cadre du Front de Gauche. De même, en votant pour François Hollande dès le premier tour, un certain nombre de ses électeurs n’ont pas voulu prendre le risque d’une victoire de Sarkozy, tellement était forte leur envie qu’il « dégage ». Par ailleurs, on peut imaginer que certains sympathisants de l’extrême gauche se sont tenus à l’écart de ce moment électoral par défiance envers ce processus qui, à leurs yeux, n’a pas l’efficacité des luttes sociales pour faire avancer la cause des opprimés.

Malgré tout, aucune des deux principales organisations ne regrette d’avoir participé à la bataille. Cela a été l’occasion pour LO de défendre « les idées et le programme communistes révolutionnaires »19. Le NPA tire un bilan positif également. D’une part la présentation de Philippe Poutou, « ce candidat pas comme les autres », cet ouvrier appelant à ne pas « fermer sa gueule », a permis à beaucoup de travailleurs de s’identifier à lui et de ressentir de la « fierté »20. D’autre part, se situant dans la logique de la lettre d’Olivier Besancenot à ses camarades, le NPA relance son appel à la mobilisation : « Nous ne disons pas « Votez pour nous et ça va changer ». A tous ceux à qui on s’adresse nous disons : « Battons-nous ensemble, organisons-nous pour y parvenir, faisons nous-mêmes de la politique »21. Au lendemain des présidentielles, l’éditorialiste de Tout est à nous appelle, après l’élection de François Hollande à refuser « la soumission aux banques et aux grands patrons, à la dette en s’appuyant sur une mobilisation d’ensemble de toutes les victimes de la crise »22.

Notes

1 Nous avions tenté le bilan pour l’extrême gauche de la séquence électorale 1995-2008, in Dissidences, n°6, avril 2009, p. 189-201. Retour au texte

2 Voir notamment Raphaëlle Besse Desmoulières, « Jean-Luc Mélenchon avec cocarde et bonnet phrygien », Le Monde, 20 avril 2012. Retour au texte

3 Cité par Nicolas Bastuck, « Du NPA au FN, le parcours d’un jeune délégué CGT », Le Monde, 25 février 2011. Retour au texte

4 Lettre du 4 mai 2011, in extenso in APJPS « Elections 2012 », voir aussi Sylvia Zappi, Le Monde, 7 mai 2011. Je remercie Franck Gaudichaud de m’avoir communiqué la lettre d’Olivier Besancenot, une lettre qui va à contre courant de la manière habituelle de faire de la politique. Retour au texte

5 Le Monde, 14 mai 2011. Retour au texte

6 Libération, 22 mars 2012. Retour au texte

7 D’après la journaliste Raphaëlle Besse Desmoulières qui a enquêté dans son usine, beaucoup de ses camarades de travail son fiers de lui. L’un répond à la journaliste : « Si on faisait l’élection dans l’usine, il serait au deuxième tour », Le Monde, 10 février 2012. Retour au texte

8 Ainsi Alain Laffont, « vieux » militant de la LCR puis du NPA à Clermont-Ferrand, interrogé par le journaliste Eric Dupin, trouve Ph. Poutou si mauvais en début de campagne qu’il pronostique un score de 0,4% et ne se sent pas du tout motivé pour le soutenir (in E.Dupin, La victoire empoisonnée, Paris, Seuil, 2012, p.76). Retour au texte

9 Voir Sylvia Zappi, « Nathalie Arthaud. La nouvelle voix des travailleurs », Le Monde, 7 janvier 2009. Retour au texte

10 Voir en page 20 du Monde, 18 mai 2013, l’enquête de Florence Aubenas, Raphaëlle Bacqué, Ariane Chemin, et l’article de Raphaëlle Bacqué intitulé « Philippe Poutou, novice des plateaux télé, transforme sa gaucherie en atout », Le Monde, 13 avril 2012. Retour au texte

11 Le Monde, 13 avril 2012, C’est tout vu ! Chronique télé par Isabelle Talès. Retour au texte

12 Jean-Guillaume Lanuque note l’insuffisance des propositions concrètes d’un candidat et « d’un parti qui se cherche encore ». Retour au texte

13 Il n’est pas dit un mot du nucléaire dans sa profession de foi officielle. Pour LO, le problème n’est pas la technique mais les conditions – économiques, sociales, politiques - de sa mise en œuvre, alors que Ph. Poutou demande, dans sa profession de foi, le retrait du nucléaire en 10 ans et le développement des énergies renouvelables. Retour au texte

14 Principal responsable CGT dans cette usine, il est en cette rentrée en première ligne dans la lutte pour la sauvegarde d’une usine que la direction de Peugeot a décidé de fermer en 2014. Retour au texte

15 G. Joachim-Arnaud, également secrétaire générale de la CGTM (Martinique) vient d’être relaxée par la Cour d’Appel de Fort-de-France. Une association l’accusait « d’incitation à la haine raciale » pour avoir écrit sur le livre d’or de la chaîne de télé locale ATV, en créole : « Matinik sé ta nou, Matinik sé pa ta yo ! on bann betché volé pwofité non kè fouté yo déwo, komba ta la fok nou kontinyé » (La Martinique est à nous, elle n’est pas à eux, une bande de békés, voleurs, profiteurs, on les mettra dehors, ce combat-là nous devons le continuer), in LO, n°2284, 11 mai 2012, p.11 ; TEAN, n°140, 15 mars 2012, p.12. Retour au texte

16 Cécile Amar, « L’ami d’Arlette chez les Continental », Le Journal Du Dimanche, 3 mai 2009. La journaliste nous dit de lui qu’il est le fils d’un tailleur communiste venu de Pologne et que son grand-oncle a milité avec Rosa Luxemburg. Retour au texte

17 Aux Législatives de 1973, Jacques Fortin était candidat de la Ligue communiste à Lyon. Retour au texte

18 In Tout est à nous (TEAN) n°153, 14 juin 2012, p.10. Retour au texte

19 Revue Lutte de Classe, n°144, mai 2012, p.6. Retour au texte

20 Isabelle Ufferte, « Les acquis d’une campagne anticapitaliste », Anticapitalistes !, mensuel du NPA de Gironde, n°27, mai 2012, p.7. Retour au texte

21 Ibid. Retour au texte

22 TEAN, n°148, 10 mai 2011, p.1-2, sous le titre : « Sarkozy viré. Construisons l’opposition de gauche à Hollande ». Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Jean-Paul Salles, « Actualités : les élections 2012 », Dissidences [En ligne], 4 | 2012, publié le 10 septembre 2012 et consulté le 28 mars 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=271

Auteur

Jean-Paul Salles

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