Nicolas Tandler, Trotski, Grez-sur-Loing, Pardès, 2009, 128 p. (Qui suis-je ?).

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Trotskysme, Révolution

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Collaborateur de l’Institut d’histoire sociale et de la revue Est et Ouest, Nicolas Tandler, après avoir déjà livré un Staline dans cette collection à la maquette imitée de celle des « Que sais-je ? », se fend d’un Trotski qui lui est complémentaire, le lien entre les deux hommes étant, selon l’auteur, à bien des égards indissociable. Clairement, cette synthèse biographique s’inscrit dans le courant historiographique de l’anticommunisme1, une appartenance sensible dès le sommaire : enfance « de privilégié », « coup d’Etat » d’octobre 1917 ou Trotsky en exil qualifié de « Vieux de la montagne », ce qui a l’avantage de combiner les accusations d’assassinat et de sectarisme !

Selon Nicolas Tandler, le fil rouge du parcours de Trotsky, c’est son sentiment de supériorité et l’isolement qui en découle. Davantage que par de véritables erreurs sur les faits2, cette synthèse se distingue par ses parti-pris et ses non-dits. Les révolutionnaires sont ainsi des « rêveurs » (p.13), Trotsky au début de sa carrière politique n’est « pas fixé sur un parti précis, ce qui demeurera une constante chez lui » (p.13), et Nicolas II est considéré comme étant à l’origine des soviets ! En fait, partant d’une méfiance louable vis-à-vis de ce qu’écrit Trotsky dans Ma vie, Nicolas Tandler en vient à mettre systématiquement en doute la sincérité de son personnage. L’auteur insiste également sur l’abandon de sa famille en Sibérie, et plus généralement sur ses échecs, ses erreurs supposées et son autoritarisme.

Si parfois sa pertinence d’analyste est soulignée, elle n’est jamais approfondie, Nicolas Tandler négligeant totalement la dimension théorique (la révolution permanente n’est ainsi jamais expliquée), allant pratiquement jusqu’au mépris du marxisme. De même, plutôt que de développer certains aspects du contexte (sur les origines de la guerre civile en Russie, par exemple), il préfère centrer son raisonnement sur les affrontements de personnes. Cela l’amène parfois à quelques amalgames grossiers, comme les exécutions de communistes décidées par Trotsky durant la guerre civile, un « (…) précédent [qui] ouvrira la voie à d’autres tueries entre « camarades » » (p.57)3. Sans parler des traditionnelles accusations sur la militarisation du travail, la répression de Cronstadt ou les scissions chroniques des groupes trotskystes ; il ne manque que la défense du terrorisme !

La biographie est complétée par une bibliographie très incomplète (les synthèses de Jean-Jacques Marie sur la guerre civile russe ou sur Cronstadt sont absentes, et la somme de Pierre Broué n’y apparaît même pas !) et par un thème astral du personnage, qui, étonnamment, confirme les propos de l’auteur : une telle annexe ne peut au mieux que susciter un silence gêné…

Notes

1 « Certes, en publiant La révolution trahie, il a condensé de manière claire ses attaques contre Staline. Sans ouvrir la voie à un « autre communisme », sans doute impossible sans renier la doctrine de Marx » [souligné par nous], p.104. Retour au texte

2 On peut ainsi citer la biographie de Staline par Trotsky, que Nicolas Tandler voit parue en 1939, alors qu’elle n’était pas achevée lors de l’assassinat du révolutionnaire, et qu’elle est finalement sortie à titre posthume. Autre exemple, cette fois carrément incongru : le fait que Trotsky se soit « rallié au sionisme » en 1937 (p.20). Retour au texte

3 Autre exemple d’accusation gratuite : « Parmi ces adeptes [les trotskystes], il y a eu bien des réussites étonnantes, y compris dans le capitalisme. Cela aurait-il déplu au maître ? Rien de moins sûr, lui qui aimait chevaucher les contraires, avec l’ambition de les diriger vers ses buts », p.114. Retour au texte

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Jean-Guillaume Lanuque, « Nicolas Tandler, Trotski, Grez-sur-Loing, Pardès, 2009, 128 p. (Qui suis-je ?). », Dissidences [En ligne], 3 | 2012, publié le 13 avril 2012 et consulté le 28 mars 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=227

Auteur

Jean-Guillaume Lanuque

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